L'interview de Hatier Jeunesse

Hatier Jeunesse

Hélène Kérillis est l'auteure des titres publiés dans la collection Ma première mythologie et Anne-Sophie Dreyfus est la directrice de collection. Elles répondent aux questions d'Histoire d'en Lire sur cette collection de petits romans dédiés aux enfants qui savent lire tout seuls.

Bonjour Hélène Kérillis et Anne-Sophie Dreyfus,
La collection Ma première mythologie comprend déjà neuf titres. Comment est né ce projet ?

Hélène Kérillis : Au cours de mes nombreuses rencontres en écoles pour d’autres titres publiés chez Hatier (ex. adaptation de l’Odyssée d’Homère pour les CM), j’ai entendu les enseignants regretter qu’il n’existe pas de livres abordables (texte et prix) sur la mythologie pour les plus jeunes (CP, CE1, CE2). A la fois, ces mythes fondateurs étaient au programme, et les enfants étaient demandeurs. D’autre part, j’ai adoré la mythologie gréco-latine dans mon enfance, et je ne crois pas être une exception dans l’espèce humaine : il y a tant d’aventures extraordinaires, de péripéties, de personnages riches et attachants, bref tout un monde merveilleux qui ouvre des horizons, fait trembler, rêver, comprendre le monde… Tout ceci m’a décidé à proposer une telle collection à Hatier, avec qui je travaillais déjà depuis des années. Ils ont étudié ma proposition et ont répondu favorablement.
Anne-Sophie Dreyfus : Quand Hélène Kérillis a proposé son projet à Hatier, nous étions en train de réfléchir, dans le cadre des premières lectures de la collection Hatier Poche, à une série sur les textes de la mythologie.
Il fallait un auteur qui ait une parfaite connaissance des textes de la mythologie et qui sache écrire pour les enfants. Hélène était la bonne personne.


La mythologie reste une thématique très appréciée des enfants. Mais n’est-ce pas difficile de l’adapter pour un lectorat si jeune ?
Hélène Kérillis : Oui et non, tout dépend quelles règles on se fixe ! Un exemple concret : Œdipe. Il tue son père, épouse sa mère, se crève les yeux… Bien sûr on ne va pas publier un titre racontant cela ! Les enfants apprendront la totalité du mythe plus tard… Mais quand Œdipe affronte le sphinx et trouve la réponse à une question insoluble, là, il y a matière à raconter pour les petits. (Et d’ailleurs aussi pour les grands : être confronté à une question à laquelle nous ne pouvons pas répondre, être bloqué à cause de cela, n’est-ce pas une situation qui nous concerne tous ?) Il faut donc choisir les éléments qui correspondent à la tranche d’âge à laquelle on s’adresse. Alors suis-je inexacte ou bien est-ce que je travestis le mythe ? Pas du tout, simplement j’assume le fait de ne raconter qu’une partie du mythe. Voilà la règle fixée. Et puis comme pour tout livre jeunesse, il faut adapter le style, le vocabulaire, l’intrigue, les personnages : de la limpidité avant tout !
Anne-Sophie Dreyfus : Hélène Kérillis a accepté de relever le défi et de respecter les contraintes des premières lectures. Quand on lit le résultat final, ça a l’air très facile. Mais c’est sans compter les phases intermédiaires…


Lorsqu’on s’adresse à de si jeunes lecteurs, la part de l’illustration est fondamentale. Comment ce travail s’est fait avec Grégoire Vallancien ?
Hélène Kérillis : C’est Hatier qui a choisi cet illustrateur, et avec quel bonheur ! Le succès de la série lui doit beaucoup. Je voulais dépoussiérer la mythologie, rendre les personnages aussi attachants et vivants que dans un roman contemporain. C’est exactement ce que font les illustrations par ordinateur de Grégoire Vallancien ! Mais cela n’empêche pas la rigueur : par exemple pour le titre sur Ariane et Thésée, le palais de Cnossos comporte le type de colonnes et les fresques retrouvées par le chercheur Evans : l’exactitude architecturale de l’époque minoenne est respectée.
Anne-Sophie Dreyfus : Notre idée était de rendre visible la modernité de la mythologie. Il fallait donc des illustrations modernes. Ce décalage a immédiatement plu à Grégoire Vallancien.
Grégoire réalise des illustrations à la fois simples et pleines de détails, en concordance avec le texte et en respectant les éléments propres à la civilisation grecque.


Pour l’instant, tous les titres parus abordent la mythologie grecque. Est-ce que cela va rester ainsi ou pensez-vous vous ouvrir aux autres mythologies ?
Hélène Kérillis : La mythologie romaine comporte quelques épisodes spécifiques, qui pourraient compléter la série. Par contre, les autres mythologies, pour passionnantes et riches qu’elles soient, n’ont pas la même résonnance dans notre civilisation et en tout cas n’ont pas ce statut fondateur… Donc à voir !
Anne-Sophie Dreyfus : Pour le moment, nous trouvons qu’il y a assez à faire avec la mythologie grecque ou romaine. Si un jour nous sommes à court, alors…


Hercule contre Cerbère, Hercule et les chevaux ensorcelés, déjà deux des douze travaux d’Hercule dans ces premières lectures. Vous avez prévu de tous les adapter ?
Hélène Kérillis : Pas forcément : cela dépend de leur richesse en péripéties et personnages ainsi que de leur portée psychologique. Certains épisodes sont plus pauvres…
Anne-Sophie Dreyfus : Ce n’est pas une priorité, pour nous, de raconter les douze travaux d’Hercule. D’autant que certains sont inconnus du grand public et n’ont pas un grand intérêt au niveau narratif. Notre but est de donner le goût de la lecture aux jeunes lecteurs avec des histoires intéressantes.


Début juin est parue une compilation de deux titres Thésée et le fil d’Ariane, suivi de Ulysse prisonnier du Cyclope, à un prix très attractif. Pourquoi avez-vous fait ce choix et pensez-vous le réitérer avec d’autres titres de la collection ?
Anne-Sophie Dreyfus : La compilation est l’occasion de remettre en avant des ouvrages disparus des tables des librairies à un prix attractif. Pour cette première compilation, nous avons choisi de remettre en avant deux héros, dont l’un est une femme. Une façon de montrer que les femmes jouent aussi un rôle important dans la mythologie.

Beaucoup d’éditeurs jeunesse publient des livres, albums, documentaires, romans sur la mythologie. Il y a là un vrai marché qui s’est développé. Comment œuvrez-vous pour sortir du lot ?
Hélène Kérillis : Avec des textes conçus pour cette tranche d’âge-là (dès 6 ans), dans ce type de livre de poche illustré, et à ce prix-là, nous sommes apparemment les seuls sur le marché, et le succès immédiat qu’a remporté la collection semble le prouver…
Anne-Sophie Dreyfus : La mythologie est à l’origine d’une part de notre culture commune. Nous voulions juste la rendre accessible aux tout jeunes lecteurs. Grâce à Hélène Kérillis et à Grégoire Vallancien, notre projet est devenu réalité. Avec succès !


Je vous remercie pour vos réponses et souhaite que le succès continue pour la collection Ma première mythologie.
Isabelle.


Interview réalisée le 27 août 2015