L'interview de CUENCA Catherine

CUENCA Catherine

Bonjour Catherine Cuenca,
Après Flammarion, Gulf Stream, Nathan, Oskar, nous vous retrouvons maintenant aussi chez Bulles de savon, qui plus est un éditeur lyonnais ! Chaque éditeur permet de vous diversifier, d'imaginer des romans sur des sujets totalement nouveaux ?

Chaque maison d'édition possède en effet sa ligne éditoriale avec des attentes et des contraintes bien spécifiques. Si Eldorado, le trésor de la cité perdue est une proposition de ma part qui correspondait au profil de la nouvelle collection L'Histoire c'est un roman, Le naufragé de la Méduse m'a été commandé par l'éditeur qui souhaitait proposer des romans autour d'artistes et d'œuvres d'art connues.

Avec Eldorado, vous revenez sur un épisode peu exploré en littérature jeunesse : les conquêtes espagnoles du XVIe siècle et la réduction en esclavage de la population indienne par les Blancs. Plus que décrire un contexte historique mal connu, vous souhaitiez surtout mettre en avant les pratiques intolérables des Européens envers la population locale ?
Il est vrai que si les livres d'Histoire évoquent les "Grandes découvertes", il est nettement moins questions des conséquences tragiques de ces explorations européennes pour les peuples autochtones, littéralement exterminés dans certains lieux de la planète. Cela relève, à mon sens, de la même amnésie qui touche des sujets peu glorieux comme la colonisation en Afrique, la place des soldats "indigènes" dans les armées européennes durant les Première et Seconde guerres mondiales... Il serait bon de remettre plus souvent les choses à leur place : l'enrichissement des pays occidentaux s'est fait au prix du sang de millions d'humains à travers le globe.

Et avec Le naufragé de la Méduse, changement total de décor puisque nous assistons à la création d'une œuvre artistique, un tableau qui a fait date au XIXe siècle, Le radeau de la Méduse. C'est une œuvre qui vous a profondément marquée ?
C'est une œuvre que je connaissais, mais c'est à l'occasion d'un documentaire diffusé sur Arte que j'ai découvert l'histoire qui se cachait derrière la représentation du radeau. Le récit de ce terrible naufrage et des zones d'ombres qui ont longtemps entouré la catastrophe m'ont fourni un cadre idéal pour le roman à suspense que je voulais écrire à ce moment-là. C'est comme cela qu'est né Le naufragé de la Méduse.

Interview réalisée le 28 mars 2016.
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Bonjour Catherine Cuenca,
La série Le Passage des lumières contraste complètement avec vos précédents romans mais aussi avec la production habituelle de Gulf Stream Editeur. Pour la première fois dans vos œuvres, on a un aller-retour entre le présent et le passé, ici en l’occurrence, le XVIIIème siècle au moment de la Révolution française. C’est vous seule qui avez souhaité essayer cette autre forme de roman historique ? Ou cela a-t-il été une idée commune avec l’éditeur ?

Il y a une dizaine d’années, j’avais commencé un roman qui mettait en scène un prisonnier de la Bastille, juste avant les événements de 1789. Je n’étais pas allée au-delà du premier chapitre. Il y a deux ans, j’ai remis la main dessus en faisant du rangement ! J’ai aussitôt eu envie de renouer avec le thème de la Révolution française. L’idée de confronter deux époques par le biais d’un voyage dans le temps me trottait dans la tête depuis un moment. J’ai réuni ces deux idées, et c’est ainsi que l’histoire du Passage des lumières est née. Très vite, je me suis aperçue qu’un seul roman ne suffisait pas à rendre compte de toute la richesse de la période révolutionnaire et de l’incroyable aventure de Zélie à cette époque. J’ai écrit une trilogie (les tomes 1 à 3 de la série à paraître d’ici juin 2012) . Gulf Stream m’a proposé de transformer cette trilogie en pentalogie et m’a commandé deux autres tomes (les tomes 4 et 5 à paraître entre septembre et novembre 2012). J’ai été ravie de me replonger dans l’histoire de Zélie, et j’espère que les lecteurs partageront le plaisir que j’ai eu à prolonger ses aventures de 1792 à 1794 !

Après votre trois premiers romans consacrés exclusivement à la Première Guerre mondiale (La Marraine de guerre, Frères de guerre, Camarades), vous explorez maintenant bien d’autres époques historiques : le Moyen Age, l’époque moderne, la Seconde Guerre mondiale. Qu’est-ce qui vous a donné envie de passer à autre chose ?
En fait, je m’intéressais au Moyen Age bien avant la Première guerre mondiale. Plusieurs romans sur cette époque, inachevés pour la plupart, traînaient dans mes tiroirs... J’attendais de trouver une idée de récit qui m’emballe vraiment et me donne envie de la suivre jusqu’au bout. En feuilletant un ouvrage sur les civilisations disparues, je suis tombée sur un article qui traitait des rites et des croyances dont les menhirs et les dolmens étaient l’objet au Moyen Age. De là est né le projet d’un roman historique à suspense autour d’une mystérieuse pierre levée.
Mes projets de romans sur la Révolution française et la Seconde guerre mondiale ont pris forme de la même manière : après Frères de guerre, j’étais un peu triste d’abandonner le personnage d’Eugène, le héros du roman. L’idée de retrouver Eugène et sa famille durant la Seconde guerre mondiale, période qui me passionnait depuis le collège, s’est rapidement imposée. Quant au Journal d’Eulalie, je l’ai écrit la même année que La Marraine de guerre. S’il n’est paru qu’en 2010, c’est que je ne me suis décidée à le retravailler pour le proposer à mon éditeur qu’à ce moment-là !


Y a-t-il encore d’autres époques ou des événements historiques précis que vous souhaiteriez aborder dans de prochains romans ?
Dans La Ballade du Maure, mon prochain roman à paraître chez Oskar jeunesse au mois de mars, j’aborde l’histoire de l’Espagne à la toute fin du Moyen Age, juste avant la découverte des Amériques par Christophe Colomb. Et depuis quelques temps, je me demande : pourquoi ne pas retrouver les héros sur la route du Nouveau Monde ?

La Marraine de guerre, votre tout premier roman, est incontestablement le livre le plus vu sur Histoire d’en Lire. Nous savons que ce titre est très souvent conseillé par les enseignants au collège. Comment analysez-vous ce succès ?
Il y a certainement plusieurs raisons au succès de La Marraine de guerre. Tout d’abord, le roman est paru à une époque où on recommençait à s’intéresser à l’histoire de la Grande guerre. Les fictions ayant pour cadre la Première guerre mondiale en littérature jeunesse étaient alors plutôt rares et le roman traitait d’une thématique peu traitée dans la littérature de guerre en général : les marraines de guerre. C’était l’occasion de faire découvrir ou redécouvrir l’histoire de ces femmes qui ont contribué au maintien du moral des soldats pendant toute la durée de la guerre. Par ailleurs, ce roman est très court : moins de 100 pages. Il est donc facile à lire et à faire lire, sans décourager les petits lecteurs. Le récit est entrecoupé par les échanges épistolaires entre le héros et sa marraine, ce qui peut servir de base à l’étude des différents genres d’expression écrite. Enfin, dans le cadre d’une étude en classe de 3e, le fond historique du roman permet une approche transversale avec le cours d’Histoire, puisque que la Première guerre mondiale est au programme de la classe de 3e.

Les aventures de Bruna ont déjà fait l’objet de deux romans : Le Crime de la pierre levée et La Menace des seigneurs-brigands ? Avez-vous l’intention de les poursuivre ? Est-ce qu’il vous arrive de penser aussi que d’autres précédents romans pourraient avoir une suite ? Les lecteurs aiment souvent retrouver les héros qu’ils ont apprécié.
C’est une question qu’on me pose souvent! Je n’avais pas l’intention de retrouver Bruna dans une autre aventure après La Menace des seigneurs-brigands. Mais pourquoi pas ? Il ne faut jamais dire jamais... Sept ans après avoir écrit Frères de guerre, j’ai bien imaginé l’épilogue à la fraternisation d’Eugène et du jeune soldat allemand Willi ! Intitulé Le Secret du dernier poilu, ce roman paraîtra fin 2012 chez Oskar jeunesse.

Vous rencontrez souvent votre public dans les écoles et les collèges. Quand on est auteure et plus particulièrement auteure de romans historiques, c’est quelque chose qui vous a tout de suite paru indispensable dans ce métier ?
Non, pas immédiatement. J’étais étudiante quand mon premier roman est sorti. Mes études puis ma vie professionnelle ont limité mes interventions en établissements scolaires. Aujourd’hui que je suis auteure à plein temps, je ne refuse pas une rencontre avec mes lecteurs. Je suis heureuse de parler d’écriture et d’Histoire avec eux. Je pense qu’on peut faire passer beaucoup de choses par la fiction, notamment la fiction historique. Les lecteurs s’identifient aux personnages et s’immergent plus facilement dans une époque. C’est une bonne manière de sensibiliser à l’Histoire, à ses acteurs et à ses liens avec le monde d’aujourd’hui.

Travaillez-vous actuellement à l’écriture d’un nouveau roman historique en plus de ceux déjà annoncés pour cette année ? Si oui, pouvez-nous en dire plus ?
Actuellement je travaille à l’écriture des derniers chapitres du tome 5 du Passage des lumières, qui doit paraître en novembre. C’est l’aboutissement de la série, et je m’applique à rendre les aventures de Zélie palpitantes jusqu’au bout !

Un dernier petit mot pour les lecteurs d’Histoire d’en Lire ?
L’Histoire est une source de découvertes passionnantes, sur le monde et sur nous-mêmes. Alors je vous souhaite de nombreuses belles lectures, et autant de découvertes !

Je vous remercie pour vos réponses et vous souhaite une bonne continuation.
Isabelle.


Interview réalisée le 29 janvier 2012.