Fin juillet 20214, en Irak. Amal est une jeune yézidie de 16 ans. Très proche de sa demi-sœur Mina, 17 ans, elle prépare avec impatience leurs retrouvailles à l'occasion d'une fête familiale qui doit bientôt avoir lieu. Mais le 2 août, l'Etat islamique attaque leur région du Sinjar et décime la population yézidie, considérée par les djihadistes comme les adeptes d'une secte satanique.
Amal, son père et d'autres membres de sa famille, parviennent de peu à échapper au massacre en se réfugiant dans la montagne. Mina assiste, impuissante, au massacre des hommes de son village avant d'être capturée avec les autres femmes, puis séparée de sa mère et réduite en esclavage sexuel.
A force de persévérance, Amal parvient à avoir des nouvelles de sa sœur. Elle décide alors de s'engager aux côtés des combattantes kurdes des Unités de Défense des Femmes venues de Syrie pour lutter contre Daech. Elle ne pense plus qu'à une chose : sauver Mina.
Citations "- Tu me disais l'autre jour que les djihadistes de Daech veulent exterminer les Yézidis parce qu'ils pensent que vous adorez le diable. Ils trouveront n'importe quel prétexte pour justifier leurs crimes. Ce sont des lâches qui cherchent à se procurer sans effort de l'argent et des femmes, sans oublier le pouvoir... Bref, tout ce qu'ils n'avaient pas dans une vie normale. C'est pourquoi nous devons lutter sans répit contre eux. Nous devons lutter pour que les femmes, où qu'elles vivent, ne soient plus jamais les esclaves d'aucun homme." p. 108-109
L'avis d'Histoire d'en lire
Catherine Cuenca a écrit des romans jeunesse et ado sur toutes les périodes de l'Histoire, de la préhistoire à l'histoire contemporaine. Mais avec Sauver Mina, elle propose un roman qui est à la fois historique, les faits se déroulent en 2014, mais aussi toujours actuel, puisque l'Etat islamique, bien qu'affaibli pendant plusieurs années, existe toujours.
Le contexte en Syrie
En spécialiste du roman historique, Catherine Cuenca a toujours particulièrement soigné le contexte, l'époque qui est décrite. Ici, elle s'est appuyée sur les biographies de trois femmes qui lui ont inspiré ce roman : Arin Mirkan, Nadia Murad et Lamia Hajji Bachar qui sont présentées en fin de livre et pour lesquelles sont précisées des sources écrites.
De plus, la situation en Syrie, tout ce qui concerne l'Etat islamique peut paraître complexe même si on en a beaucoup entendu parler dans les médias. Ce roman a ainsi le mérite de vulgariser ce contexte et d'en comprendre les grandes lignes.
Destiné aux ados à partir de 14 ans minimum, ce livre, par le biais du personnage de Mina, développe la réalité de l'esclavage sexuel et montre des passages durs et éprouvants.
Le croisement de deux discours
Le choix de la narration est fondamental pour captiver le lecteur. Ici, Catherine Cuenca fait alterner les discours d'Amal et Mina. Un choix pertinent puisqu'il nous permet à la fois de suivre Amal qui a réussi, avec son père et d'autres membres de sa famille, à échapper aux djihadistes ; et Mina, qui, à l'inverse, est capturée et réduite en esclavage sexuel. Conserver un parallèle entre ces deux discours n'aurait sans doute pas eu de sens, s'ils ne devaient jamais se rejoindre. Même si Mina réfléchit évidemment à toute possibilité de fuite, c'est Amal qui a la plus grosse carte à jouer pour tenter de retrouver sa sœur.
C'est ainsi que Catherine Cuenca aborde l'engagement de femmes syriennes comme combattantes dans les YPJ, les Unités de Défense des Femmes. Amal n'hésite pas à prendre les armes pour extraire Mina des griffes de ses ravisseurs.
Dans les deux cas, qu'elle soit victime (Mina) ou combattante (Amal), ces deux jeunes femmes font preuve d'un courage incroyable. Et j'ai été autant impressionnée par l'une que par l'autre ! Amal, parce qu'elle n'a pas hésité à prendre les armes pour retrouver et sauver sa sœur. Et dans un pays où la place des femmes est réduite au minimum, c'est énorme. Même son propre père a compris et approuvé son engagement. Mina, parce que, malgré toutes les horreurs qu'elle subit, elle parvient à garder sa dignité de femme et ça prend aux tripes.
Parfaitement construit, Sauver Mina tient son lecteur en haleine jusqu'au bout. L'écriture au "je" et au présent est totalement fondée pour se sentir au plus près de chaque personnage.
Un roman captivant, instructif, d'actualité et qui ouvre sur ce qu'il se passe dans notre monde. Un livre terriblement poignant, d'autant plus lorsqu'on réalise que de tels actes continuent d'exister dans le monde.