En 1979, l'Afghanistan subit l'invasion des Russes qui occupent le territoire pendant quinze ans, provoquant ensuite une guerre civile. Puis, les talibans prennent le pouvoir et imposent un respect très strict de la charia. Gulwali, issu de la tribu des Pachtounes, grandit dans un environnement très conservateur. La vie sous les talibans est difficile mais la menace vient d'ailleurs. En 2011, les Etats-Unis ont subi une violente attaque perpétrée par le Saoudien Ben Laden. Le pays accuse directement l'Afghanistan, d'autant plus que les talibans refusent de livrer Ben Laden. C'est ainsi que les Etats-Unis et l'Angleterre entrent en guerre contre l'Afghanistan et envahissent le pays. La population est la première victime. Le père de Gulwali, un médecin renommé, est tué par les Américains. La mère du garçon prend donc une grave décision. Elle décide d'envoyer ses deux fils, Hazrat et Gulwali, en Europe, pour les sauver d'une mort certaine s'ils restent en Afghanistan. Elle leur fait promettre de ne jamais se séparer et de ne jamais revenir, quoi qu'il arrive. Pourtant, très vite séparé de son frère aîné, Gulwali, âgé de 12 ans, entame un périple de 20 000kms. Contraint de faire confiance à des passeurs qui n'en ont que pour leur argent, Gulwali est emprisonné à plusieurs reprises, maltraité, torturé et échappe à chaque fois de peu à la mort.
L'avis d'Histoire d'en lire
Gulwali Passarlay a 21 ans quand il écrit ce témoignage. Sa rencontre avec la journaliste Nadene Ghouri a été déterminante pour raconter son vécu de migrant et de réfugié en Grande-Bretagne alors qu'il n'avait que 12 ans. Devenu adulte, il reste évidemment profondément marqué par ce périple de 20 000kms à travers huit pays, de l'Afghanistan au Royaume-Uni.
Aidé par la journaliste et co-autrice pour retranscrire le plus fidèlement possible le contexte de l'époque, tant en Afghanistan que dans les autres pays traversés, Gulwali Passarlay raconte minutieusement son parcours. Un départ voulu par sa mère alors que l'invasion américaine a coûté la vie à son père et à son grand-père. Malgré le déchirement que représente cette séparation et les risques auxquels vont s'exposer ses enfants, elle leur offre sa plus belle preuve d'amour en versant une fortune à des passeurs qui doivent conduire Gulwali et son frère Hazrat, jusqu'en Italie. Ainsi, elle leur sauve la vie. Mais, c'était aussi sans se douter de tous les obstacles qui aller se dresser sur la route des deux garçons. Deux frères qui sont pourtant très vite séparés. Âgé d'à peine 12 ans, Gulwali se voit contraint de faire confiance à des passeurs tous plus immoraux les uns que les autres. Il fait bien sûr de nombreuses rencontres parmi les migrants du même groupe que lui et parfois, son jeune âge lui vaut quelques traitements de faveur.
Pourtant, pendant plus d'une année, Gulwali souffre de mauvais traitements, de la famine, il est emprisonné à plusieurs reprises, manque de se noyer ou de mourir de froid dans un camion frigorifique. Chaque pays-étape apporte son lot d'humiliations, de désillusions, de retours en arrière la plupart du temps. Alors après tant d'épreuves, comment un enfant, qui n'est souvent pas reconnu comme tel par les autorités de nombreux pays, parvient à aller encore et toujours de l'avant ? Sa survie, Gulwali la doit à sa foi. Il relit le Coran, prie beaucoup et ne cesse de croire que Dieu veille sur lui et lui réserve un autre destin. Et Gulwali pense à sa mère, se remémore ses dernières paroles. Alors qu'il est à bout de forces, il continue d'avancer, de rêver à sa destination, la Grande-Bretagne où il a appris que son frère était parvenu.
Moi, Gulwali, réfugié à 12 ans n'est pas un simple témoignage. Ce n'est pas une œuvre littéraire et ce livre n'a pas été écrit dans ce sens. C'est une grande claque pour réveiller les consciences, montrer la réalité, l'humanité mais surtout l'inhumanité qui entoure ces millions de réfugiés qui fuient leur pays d'origine. Ils ne partent pas de gaieté de cœur, ils aiment leur pays, leur clan, leurs traditions. Ils essaient seulement de sauver leur vie et celle de leur famille. Pour endurer autant d'horreurs, il faut vraiment que la situation chez eux soit encore pire que cela. En atteignant l'Occident, ils espèrent se reconstruire pour pouvoir, dès que possible, retourner chez eux. Gulwali Passarlay en est l'exemple type. En Grande-Bretagne, il a pu étudier les sciences politiques à l'Université et envisage désormais de se présenter à la présidence de l'Afghanistan dans les années 2030-2035. Cette année terrible sur les routes l'a fait profondément mûrir, lui a ouvert les yeux sur le monde, sur les autres cultures. Il en ressort meurtri bien sûr, mais grandi. Et son récit à lui est un cadeau qui nous fait nous aussi grandir et nous ouvrir aux autres.