Sothik est né en 1967, au Cambodge. Un pays entraîné malgré lui dans la guerre d'Indochine qui fait rage au Viêt Nam voisin. Sothik vit avec ses parents dans un village de la région de Kompong Cham. Mais face à la guerre toute proche qui ravage tout, les Cambodgiens sont de plus en plus inquiets. Trois ans plus tard, les communistes cambodgiens forment un groupe prêts à rétablir l'ordre dans le pays et à faire cesser les combats. Cette armée de révolutionnaires parvient à faire reculer les Américains et à s'imposer. Dès lors, alors que la population croît enfin profiter d'une vie plus paisible, les révolutionnaires appelés les Khmers rouges modèlent le pays à leur façon. Ils occupent les villages, détruisent, pillent, brûlent les livres, tuent les savants, les enseignants, les médecins. Partout règnent la terreur, la famine, la mort. Les enfants sont séparés de leurs parents pour être éduqués selon l'idéologie des Khmers rouges. Pour survivre, Sothik n'a pas d'autre choix que de se plier aux travaux qui lui sont assignés.
L'avis d'Histoire d'en lire
C'est lors d'un séjour au Cambodge en 2014 que Marie Desplechin rencontre Sothik Hok, alors responsable cambodgien de l'association Sipar qui aide au développement de la lecture dans le pays. Sothik raconte son enfance à Marie Desplechin qui lui propose rapidement de retranscrire son témoignage pour les lecteurs français.
L'histoire du Cambodge reste largement méconnue, et la littérature jeunesse aborde très peu cette page de l'Histoire du monde. Par le témoignage de Sothik et la qualité d'écriture de Marie Desplechin, nous accédons ici à un récit très émouvant et instructif sur le quotidien d'un enfant dans le Cambodge du début des années 1970.
Sothik déroule son enfance de sa naissance à sa vie après le régime des Khmers rouges, la liberté enfin retrouvée alors qu'il est adulte. Une enfance terriblement marquée par la guerre : guerre d'Indochine avec les nombreux bombardements américains, les combats tout proches ; puis la guerre civile au Cambodge et l'arrivée au pouvoir des Khmers rouges. Cette "armée de la forêt" comme elle a été surnommée a promis l'arrêt des combats pour gagner l'adhésion de la population. Sauf qu'une fois cette paix toute relative retrouvée, elle a mis en place un régime de terreur, séparant les familles, tuant les habitants des classes sociales élevées, brûlant les livres... Les hommes doivent tous être des paysans, les maigres repas sont fournis par les révolutionnaires et il est interdit de chercher de la nourriture par ses propres moyens, il n'y a plus de médecins donc plus de soins, les enfants sont séparés de leurs familles.
Ces atrocités sont telles qu'on ne peut évidemment pas se mettre complètement à la place du narrateur qui a tant souffert pendant ces années. Mais le témoignage et le discours à la première personne nous le rendent plus proche et nous sommes profondément touchés par ce vécu si poignant, déchirant. Sothik en a perdu jusqu'à l'amour de ses parents. Les Khmers rouges ont à la fois tué des centaines de personnes et détruit la vie chez les autres.
Malgré les mois, les années qui passent, la situation semble figée et aucun secours ne se dessine pour toutes ces victimes. Il faut attendre début janvier 1979 pour que les chars vietnamiens délivrent petit à petit les villes et villages cambodgiens. Mais les conséquences de ces années de terreur sont désastreuses pour tout ceux qui sont encore vivants. Elles laissent des séquelles terribles, des souvenirs ineffaçables.
Tian, l'illustrateur de ce témoignage, a lui aussi connu le régime communiste des Khmers rouges. Arrivé en France à l'âge de cinq ans, il a pu se reconstruire mais met à profit tout son talent de dessinateur pour communiquer à son tour toute l'horreur de cette période.
Plus qu'un récit de vie, Sothik permet d'avoir une vision d'ensemble de cette période, de mieux comprendre l'enchaînement des événements et de rendre hommage à toutes les victimes.