En 1944, Ella, 14 ans à peine, a été enlevée devant son école et comme des milliers d'autres Juifs, elle est envoyée au camp d'Auschwitz-Birkenau, qu'elle appelle Birchwood. Ella est déjà une couturière de talent et rêve d'avoir son propre magasin. Pour l'instant, prétendant avoir 16 ans, elle est envoyée à Maison de haute couture, un baraquement du camp où sont confectionnés les vêtements des officiers et de leurs épouses. Elle déploie tout de suite tout son savoir-faire pour s'évader du quotidien si terrible du camp et entretenir l'espoir d'en ressortir vivante.
Citations"Les gens se moquent de la mode. "Ce sont juste des vêtements", disent-ils.
Juste des vêtements. C'est vrai. Sauf qu'aucun de ceux que j'ai entendus railler ainsi la mode n'est nu. [...] Les vêtements révèlent ce que vous êtes ou ce que vous rêvez d'être.
Les gens pourraient dire : "Pourquoi se soucier à ce point des vêtements, alors qu'il y a de graves sujets de préoccupation, comme la guerre ?"
Oh ! la guerre m'inquiète tout autant. [...] C'est elle qui m'a menée à Birchwood, l''endroit où tout le monde arrive mais dont personne ne part.
Ici, on se rend vite compte que les habits ne sont pas une question si triviale. Surtout quand on n'en a pas. La première chose qu'Ils ont faite, à notre arrivée, c'était de nous déshabiller. Dès notre descente du train, nous avons été séparés en deux groupes : les "mâles" et les "femelles". Ils nous ont poussés dans une pièce et nous ont dit de nous dévêtir. Devant tout le monde. Nous n'étions même pas autorisés à garder nos sous-vêtements.
Nos habits ont été pliés et entassés. Nous n'étions plus banquier, professeur, infirmière, serveuse ou chauffeur de poids lourd. Simplement des êtres terrifiés et humiliés.
"Juste des vêtements..." " p. 34 à 36.
L'avis d'Histoire d'en lire
L'Holocauste reste un sujet malheureusement inépuisable. Avec Le Ruban rouge, j'ai découvert l'autrice Lucy Adlington, plus habituée aux ouvrages sur l'histoire de la mode et du costume. Passionnée plus particulièrement par les vêtements du début du XXème siècle, elle signe ici un roman sur l'histoire du vêtement au cœur du camp de concentration d'Auschwitz-Birkenau, pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau
Le camp d'Auschwitz-Birkenau n'est jamais nommément écrit ainsi dans le livre. Lucy Adlington la traduit par Birchwood, Birkenau et Birchwood signifiant "petit bois de bouleaux". A travers les yeux d'Ella, elle décrit le quotidien dans ce camp de la mort : la malnutrition, l'absence d'hygiène, les vols, la violence, les Appels, le travail harassant, la mort symbolisée par les cheminées qui fument continuellement ; mais aussi l'amitié qui se noue avec Lily, la solidarité avec d'autres prisonnières, l'espoir porté par la couture.
Le ruban, fil rouge de l'espoir
Les livres sur la Seconde Guerre mondiale et plus particulièrement l'Holocauste sont très nombreux et chacun apporte à sa manière de nouveaux éléments de ce contexte si terrible. Les conditions de survie dans les camps sont souvent largement décrites pour tenter d'imaginer l'enfer qu'ont vécu ces milliers de prisonniers. Mais Lucy Adlington nous éclaire ici sur un élément qui nous était méconnu. Dans le camp de Birchwood et peut-être dans d'autres, un atelier était réservé à la confection des vêtements de qualité des officiers et de leurs épouses, un atelier ironiquement appelé la Maison de haute couture. C'est ici qu'arrive Ella au tout début du roman. Prétendant avoir 16 ans, elle parvient rapidement à se faire une place grâce à ses véritables talents de couturière et de tailleuse. La couture lui sert d'"évasion", reste pour elle le seul espoir de survie. C'est dans cet atelier qu'elle rencontre Lucy avec qui elle noue une amitié sincère, Lucy qui parvient à lui offrir plus tard un ruban rouge, véritable lumière et source d'espoir pour sortir un jour de cet enfer.
L'amitié comme moteur de survie
Même si leurs personnalités semblent opposées, Ella, prisonnière juive et Lily, prisonnière politique, deviennent rapidement de véritables amies et peuvent compter l'une sur l'autre dans ce quotidien où la mort peut surgir à tout instant. Lily est aussi brillante brodeuse qu'Ella est styliste. Elles parviennent ainsi à concevoir de magnifiques robes pour Carla, une Garde ou même Madame H, l'épouse du Commandant du camp. Toutes deux cultivent continuellement l'espoir de sortir vivantes de ce camp pour ouvrir leur boutique de mode. Alors que les Nazis (toujours nommés Ils dans le roman) ont voulu jusqu'à déshumaniser ces millions d'hommes et de femmes, la force de caractère et le soutien mutuel a permis à un certain nombre de tenir et de continuellement penser à une prochaine libération.
L'humanité en réponse à la violence
Ce qui ressort véritablement de ce roman, c'est que malgré toute la haine, toute la violence, toute la dureté du quotidien vécues par les prisonniers et prisonnières de camp de Birchwood, la part d'humanité qu'il reste chez ces personnes est la plus grande des réponses. Elle n'aura certes pas éviter les millions de morts mais celles et ceux qui ont survécu grâce à cela ont réussi à garder toute leur dignité et leur âme.
Incontestablement, Lucy Adlington tisse ici un roman historique absolument époustouflant sur un point méconnu de la Seconde Guerre mondiale et des conditions de survie dans les camps de concentration et d'extermination. L'écriture est fluide, le découpage des chapitres selon les couleurs marquantes de ce quotidien donne une chronologie originale. Ella est un personnage attachant, émouvant, avec qui on est amené à croire à un possible avenir hors de ce lieu, une fin heureuse.