Philippe et Félix habitent un petit village du Jura. Ils aiment se retrouver près d'une rivière, où ils ont construit une cabane, et peuvent se baigner ou pêcher. C'est là aussi qu'ils scellent un pacte de sang.
Mais avec la guerre et l'arrivée des Allemands, tout est bousculé.
La ligne de démarcation passe à la limite du village des deux garçons. Comme elle divise la France en deux, elle les divise eux aussi. Alors que Philippe est profondément hostile à l'occupation ennemie, Félix se range dans le camp de son père et va tirer de nombreux bénéfices de cette situation.
Citations"– T’es un fan de Laszlo, toi aussi ?
Sans répondre, je me précipite sur la double page consacrée à mon idole. Une photo le représente aux côtés de Xavier Vallat, responsable des basses besognes du Commissariat aux affaires juives. Le titre : « Laszlo, un gardien qui ne se trompe pas de camp ».
– Un sacré mec, ce Laszlo, déclare le marchand de journaux. Il sait ce qu’il veut, lui au moins. Tu crois pas ?
Pris au dépourvu, je fais oui de la tête. Le mec insiste.
– Lis un peu ce qu’il dit, ici… Enfin un mec qui a le courage de ses opinions. Pas un de ces petits dégonflés qui se sont taillés à Londres.
Laszlo, du côté des salauds qui souhaitent la victoire de l’Allemagne, qui applaudissent les nouvelles lois antisémites. L’idole de mon enfance tombe en cendres, emportant avec elle tout un pan du passé. Je pense à Félix, à notre amitié détruite, à tout ce que nous avons vécu et qui désormais appartient au
royaume des souvenirs défunts, je voudrais être certain qu’un jour il réalisera son erreur et que ce ne sera pas trop tard.
Montant vers le centre, je passe devant la mercerie de la mère d’Eugène, le petit garçon à la casquette. Je risque un œil.
Les étalages ont disparu. Sur la vitrine je peux lire : « Commerce aryanisé ». Où sont- ils ?" p. 135-136
L'avis d'Histoire d'en lire
Pendant l'occupation allemande Composé de deux grandes parties, le tome 1940-1942 développe ces premières années d'occupation allemande en France, entre le Jura et Paris.
Philippe, le jeune narrateur du roman, explique le quotidien des Français, alors en zone occupée. Son village est même tout proche de la ligne de démarcation.
Ce sont les bruits des bottes sur les pavés, les restrictions alimentaires, les bombardements, les nombreuses mesures antisémites, la collaboration, la presse dévouée au régime nazie seule autorisée à paraître, la spoliation des bien des Juifs dont les œuvres d'art, mais aussi les actes de résistance.
Philippe est un adolescent, fils d'un mécanicien, qui, très vite, se place, lui et sa famille, du côté de la résistance.
La première partie du livre "Naissance des Indiens" est une longue métaphore sur la mise en place d'actions de résistance, par tout un chacun et de différentes façons.
Et puis, il y a son meilleur ami, Félix. Un ami qui souffre d'avoir perdu sa mère à sa naissance, d'avoir un œil invalide, de ne pas savoir lire et écrire.
Félix, comme son père, se laisse vite séduire par la collaboration et tous les avantages qu'elle peut procurer.
Il n'est d'ailleurs par le seul. Les langues se délient et nombreux sont celles et ceux qui semblent s'accommoder de la situation ; voire même approuver les mesures antijuives, mises en place par Hitler.
Mais Félix saura changer d'avis au bon moment, et même jouer de la situation entre son père collaborateur et son amitié retrouvée avec Philippe.
L'auteur s'attache d'ailleurs à montrer toute l'importance de la réflexion, face à cette atmosphère si étouffante.
Quand certains se vantent de ne plus avoir besoin de réfléchir grâce à la présence allemande et de seulement avoir à obéir, ceux qui s'opposent à l'occupation sont justement ceux qui réfléchissent à toutes les options possibles pour agir contre l'occupant. Et ce sont bien eux qui courent le plus grand danger, en voulant restaurer la liberté !
Amour et amitié Le second point important de ce roman concerne les liens forts qui existent entre les personnages.
Philippe et Jacqueline ; Félix et Esther sont amoureux. Malgré la guerre, ils veulent profiter de la vie et arrivent toujours à se réserver des temps pour cela.
Philippe et Félix ont vu leur amitié ternie momentanément mais Félix a su réagir rapidement, et leur pacte de sang a une forte signification pour eux deux.
Les deux filles, Jacqueline et Esther, se soutiennent également.
C'est ainsi qu'on se sent plus proches de ces personnages. Pascal Ruter a beaucoup travaillé leur psychologie. Ces jeunes gens font preuve d'une grande maturité pour leur âge, à cause du quotidien devenu douloureux pour eux-mêmes, ou parce qu'ils ont été les témoins d'atrocités.
Mais à l'été 1942, peu après la terrible rafle du Vél' d'Hiv' à Paris, les jeunes gens voient se refermer sur eux les griffes des Nazis. Les voilà menacés, ils doivent fuir.