Moi, Themba : une adolescence sous l'Apartheid

Période historique : XXè siècle Période historique Moi, Themba : une adolescence sous l'Apartheid Autres

Type de document : Roman

Auteur : BLITMAN Sophie

Editeur : Hachette

Année d'édition : 2021

A partir de 12 ans.

ISBN : 978-2-01-628566-4

Prix : 12,90 €

Moi, Themba : une adolescence sous l'Apartheid
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Résumé

Themba Nkomo est une jeune Noire de douze ans en 1972. Elle et sa famille vivent dans le township de Soweto, en Afrique du Sud, une banlieue de Johannesburg. La particularité de ce township est qu'il regroupe uniquement des familles noires alors que les Blancs vivent dans la capitale. Themba ne connait que le régime de l'Apartheid depuis qu'elle est née, c'est-à-dire cette ségrégation entre Noirs et Blancs. Pourtant, ses parents et ses grands-parents ont connu l'avant. Themba se demande si elle aussi, connaitra un jour, la fin de la discrimination pour les Noirs. Elle découvre que son grand frère Waldo s'absente de plus en plus souvent pour rejoindre un mouvement bien décidé à faire changer les choses.

Citations
"- Alors, tu as vu, Themba, comment on nous traite ? a-t-il ricané ?
Puis, il s'est mis à marcher de long en large. Il faisait des allers-retours dans la pièce en maugréant.
- Ce n'est pas possible... ça ne peut pas durer comme ça ! On ne va pas continuer pendant des années à subir les décisions politiques ! On est nombreux quand même, il faut se réveiller !
Mes grands-parents l'observaient sans rien dire, mais sans chercher non plus à le calmer. Ugogo continuait à remuer le pap qui mijotait sur le poêle, mais son mouvement était plus lent que d'ordinaire. Quoique quasi imperceptible, ce changement ne m'échappait pas, car je connaissais mon Ugogo par cœur : l'attitude de Waldo la troublait. Chaka, lui, s'était enfoncé un peu plus dans son fauteuil et se contenter de hocher tristement la tête. Que signifiait leur silence ? Etaient-ils résignés ou se sentaient-ils simplement impuissants face à un régime qui leur avait pris leur maison, leur ville même et qui les avait obligés à venir s'entasser ici, avec des milliers d'autres Noirs ? Comprenaient-ils au moins la frustration de Waldo ? Mon frère avait dix-neuf ans : il aurait pu voter pour la première fois, s'il avait été blanc."
p. 130

L'avis d'Histoire d'en lire

Avis Moi, Themba : une adolescence sous l'Apartheid
A part quelques biographies romancées de Nelson Mandela, je n'avais pas encore eu l'occasion de lire un roman sur l'Apartheid, cette ségrégation entre Noirs et Blancs en Afrique du Sud, de 1948 à 1991.
Comme elle l'explique en avant-propos, Sophie Blitman a voyagé en Afrique du Sud dans les années 2000. L'Apartheid avait officiellement pris fin depuis une dizaine d'années et pourtant, elle a pu constater sur place que la mixité entre Noirs et Blancs restait rare.

Un compte-rendu historique et social
Dès lors, Sophie Blitman a entrepris des recherches pour comprendre la réalité de l'Apartheid et a choisi le biais de la fiction pour rendre compte de la vie quotidienne des familles noires vivant dans le township de Soweto.

Themba, qui n'a pas réellement existé en tant que telle, mais peut correspondre à n'importe quelle jeune fille noire de cette époque, est la narratrice. Elle débute le récit en 1995, alors qu'elle admet ne pas avoir pu témoigner à la Commission Vérité et Réconciliation. Toutes ces années de souffrance restent profondément ancrées en elle et elle ne peut pas pardonner.

Le roman revient ensuite sur son adolescence, de 1972 à 1976. Agée de 12 à 16 ans, elle a grandi avec une révolte intérieure qui ne cessait de grossir, jusqu'à pouvoir dire ouvertement son refus de la domination des Blancs sur les Noirs.
Meurtrie par la réaction de la femme blanche alors que Themba était à la capitale pour faire des courses, elle ne cessera de penser à cet épisode. C'est d'ailleurs pour cela que le récit de Thmeba commence par ce souvenir et qu'elle y reviendra à plusieurs reprises.

La narration de Themba est le meilleur moyen de comprendre la réalité quotidienne de ces familles. Elle est faite de nombreuses restrictions, interdictions. Elle est caractérisée aussi par une pauvreté qui touche toutes les familles parce qu'il est plus difficile pour les Noirs de trouver du travail. Themba fonde beaucoup d'espoir dans son travail à l'école parce qu'elle sait que cela peut lui permettre de s'émanciper de cette misère sociale. C'est toujours une grande fierté dans les familles lorsqu'un enfant parvient à entrer à l'université, même réservée aux Noirs. Il y a beaucoup d'espoir.

Et puis, Themba et son frère Waldo évoquent plusieurs fois Nelson Mandela, ferveur défenseur de la liberté des Noirs et de l'égalité entre Noirs et Blancs mais emprisonné pour ses idées. Son nom reste en toile de fond pour montrer que d'autres personnes de tous âges le suivent et agissent en secret.

Un climat de peur
Ce qu'on remarque aussi et Themba le restitue bien, c'est le climat de peur qui règne au quotidien pour les Noirs qu'ils soient à Soweto ou ailleurs. La ségrégation qu'ils subissent s'accompagne de violences, d'injures, de mépris de la part des Blancs. Et cela divise la population noire en deux camps : ceux qui préfèrent faire profil bas pour ne pas attiser davantage la haine sur eux (comme les parents de Themba) et ceux qui font le choix d'agir pour que cela change (comme Waldo, puis Themba et bien d'autres). A partir de 1974, Themba intègre un club de lecture, en réalité un groupe de paroles, qui se réunit caché dans une église pour pouvoir débattre sur la ségrégation, faire des propositions pour amener des changements. Des Blancs peuvent y être présents. Mais très clairement, Themba doit agir dans le secret, ses parents préfèrent fermer les yeux et ne pas être au courant de ce qu'elle fait. Ils ont très peur des représailles.
Même si, par sa narration, Themba nous invite à nous ranger de son côté, nous ne pouvons aussi que comprendre la position de sa famille qui n'agit pas, par crainte.

Moi, Themba est un roman très bien documenté sur l'Apartheid, en Afrique du Sud et très bien amené par la narration d'une jeune fille qui a vécu cette période. On découvre une réalité qu'on ne pouvait peut-être que supposer, voire pas connaitre du tout. Themba ne s'apitoie pas sur son sort, elle montre beaucoup de maturité et prouve que chacun a le pouvoir de faire changer les choses.

Un livre qui trouve immanquablement toujours un écho. Même si cette période a officiellement pris fin, la discrimination et le racisme existent toujours, partout dans le monde. Un roman qui tend à l'universalité.

A lire aussi, d'autres chroniques du roman Moi, Themba de Sophie BLITMAN :
- Moi, Themba sur le blog Analire.