Martin Julius Crow Jr est né en 1929, à Cookeville, une petite ville du Tennessee. Dès son enfance, Martin connaît la vie dure. Son père Jo le bat régulièrement pour lui apprendre à endurer le pire. Martin doit comprendre très vite que son corps ne lui appartient pas. Les Blancs ont droit de vie et de mort sur les Noirs, Martin ne doit jamais oublier ça.
À tout moment, sa vie peut basculer. Il a le profil du coupable idéal. Et d'autant plus, lorsque deux jeunes filles blanches sont retrouvées assassinées dans une forêt où Martin a l'habitude d'aller se promener avec des amis. Il risque la peine de mort, à seulement treize ans.
Citations "Notre corps, on doit savoir le défendre. Celui qui échoue, eh ben, il n'a que ce qu'il mérite. Mais Minnie, elle, ne connaissait pas encore cette loi. Sa survie était garantie par mes parents. Par l'épaisseur de la vitre. Par son innocence. Elle sortait peu à l'époque. Aidant souvent notre mère ou jouant quand elle en avait l'occasion. C'est ce jeune Noir, au sol, la face contre terre, la bouche ouverte, un filet de sang à la commissure des lèvres, qui lui a volé les mots. Ou plutôt qui les lui a tordus au point qu'ils sortaient de sa bouche en se cramponnant à sa chair.
La violence, Missié, était notre quotidien. Tu te levais le matin et tu te couchais le soir, sain et sauf, seulement si tu avais survécu à cette violence. Elle était partout. Pouvait surgir d'une ruelle sombre. Au coin d'une maison. Derrière une boutique. À la porte de chez toi. De nulle part. D'un Noir. D'un Blanc. Même d'un chien éduqué à ça, Missié. Y avait des gars qui dressaient leurs chiens à nous attaquer." p. 25
L'avis d'Histoire d'en lire
George Junius Stinney Jr. Ce nom nous est inconnu et ce n'est pas celui qu'on retrouve dans le roman. Mais c'est bien du destin tragique de ce jeune Noir américain que s'inspire le roman Missié.
Racisme et ségrégation raciale
Martin Julius Crow Jr est le narrateur du roman. Né en 1929, il raconte son quotidien en tant que Noir américain, la dureté de son père qui veut absolument lui faire comprendre que sa vie sera tout le temps difficile et que son corps-même ne lui appartient pas. Un père qui a aussi vécu un épisode très violent lorsqu'il était enfant.
L'esclavage a été aboli en décembre 1865 mais dans les années 1930, la ségrégation raciale est partout. Les Noirs sont traités comme de simples objets et n'ont aucun droit. La violence est omniprésente.
Christophe Léon a-t-il choisi le nom de Crow pour son narrateur, en référence aux lois Jim Crow qui ont imposé la ségrégation raciale dès 1877 ? On peut le supposer.
Martin est alors le coupable tout désigné lorsque deux fillettes blanches sont retrouvées assassinées dans un bois qu'il a l'habitude de fréquenter avec ses amis.
Un roman sur l'injustice Missié rend compte du contexte des États-Unis à cette époque. Mais il va bien plus loin. Le roman soulève des questions, oblige le lecteur à voir la réalité en face, une réalité qui n'est faite que d'injustices pour toute une partie de la population américaine.
Martin raconte son histoire, de manière posthume, après qu'il ait été exécuté en 1944. Il avait seulement 13 ans et a été reconnu coupable de l'assassinat des deux fillettes blanches.
Il raconte cette histoire, probablement à un Blanc "Missié" (qui signifie "Monsieur")
Pour qu'on ne l'oublie pas, il dit l'indicible. Le lecteur n'a pas d'autre alternative que de prendre la réalité en pleine face. Par ses illustrations en noir et blanc, Barroux appuie lui aussi sur le terrible réalisme de cette histoire, et ce, dès la première de couverture.
Un texte fort à découvrir à partir de la fin de collège.