Victorin est fermier dans l'Ardèche. Mais le 6 août 1914, comme tous les autres hommes mobilisés, il doit quitter sa famille pour rejoindre son régiment. Victorin évite la mort à chaque attaque. Mais pendant l'été 1917, il est blessé et est rapatrié dans un hôpital. Sauf que Victorin souffre d'une blessure invisible : la folie. Comme bien d'autres soldats malades, il fait des cauchemars toute la nuit, reste hagard, tremblant et ne reconnaît même plus sa famille. Marius, son fils, refuse d'abord de voir ce père qui lui fait honte. Puis, sur les conseils d'un ami revenu du front complètement défiguré, il soutient avec patience et dévouement ce père victime lui aussi de la guerre et de ses atrocités.
L'avis d'Histoire d'en lire
Bibliothécaire de métier, Corinne Ferrand-Moulin est aussi écrivaine pour la jeunesse. Elle transmet sa passion pour l'Histoire et le patrimoine à travers ses romans. Pour écrire La Folle guerre de Victorin, elle a travaillé sur une partie des archives de l'Hôpital Sainte-Marie de Privas qui a accueilli des centaines de blessés entre 1914 et 1918.
Comme tous les hommes valides du pays, Victorin quitte l'Ardèche pour rejoindre le front. Le roman débute en août 1917. Léonie, l'épouse de Victorin, et Marius, son fils, se rendent au chevet du soldat blessé. Pourtant, l'homme n'a aucun pansement et semble n'avoir aucune égratignure. Victorin souffre d'un mal invisible : il est blessé psychiquement, reste prostré, cauchemarde, est amnésique. Face à ce mal inconnu, les médecins traitent leurs patients par des chocs électriques qui ne font qu'aggraver leur état de santé. Certains soldats considérés comme simulateurs sont renvoyés sur le front !
Corinne Ferrand-Moulin met ainsi le doigt sur un sujet absent de la littérature jeunesse qui aborde la Grande Guerre : le syndrome de stress post-traumatique provoqué par un événement traumatisant. Ce qui était considéré à l'époque comme de la pure folie, sans réel espoir de guérison. Rares encore étaient les médecins soucieux de soigner convenablement ces hommes, de leur laisser la chance de pouvoir s'en sortir, sans les considérer continuellement comme des fous irrémédiablement perdus.
Et ce roman vient justement montrer la longue convalescence de Victorin mais qui n'est possible que grâce au soutien de ses proches. Malgré la douleur de sa femme et de son fils de le voir dans un tel état, tout deux s'accrochent, multiplient leurs visites, lui parlent, attendent qu'il puisse lui-même raconter ce qu'il a vécu pour évacuer l'horreur, le traumatisme et reprendre pied petit à petit dans la vie réelle. Alors Victorin se souvient, des bribes de sa vie d'avant lui remontent à la mémoire, de simples mots et noms l'aident à se souvenir de cette guerre, cette terrible guerre où il a vu périr son ami Félix, cette guerre qui lui a permis de rencontrer une femme-médecin exceptionnelle, le docteur Mangin accompagnée de sa chienne Dun. Victorin parvient progressivement à écrire tout cela dans un cahier, une sorte d’exutoire, de retour à la vie.
La Folle guerre de Victorin est un roman fort, très poignant sur l'histoire de ce père, de cette famille qui va rester souder contre une maladie invisible mais si terrible pour tous. Il y a des passages très durs mais terriblement ancrés dans la réalité sur laquelle s'est appuyée Corinne Ferrand-Moulin.
Frédéric Sallée, professeur agrégé d'Histoire et docteur en Histoire contemporaine propose en fin de livre un cahier pédagogique pour revenir sur l'essentiel de la Première Guerre mondiale en quelques pages.