Âgée de 95 ans, Ginette Kolinka accepte de retourner au camp d'Auschwitz, en Pologne, avec les scénaristes Victor Matet et Jean-David Morvan. Pour eux, elle va retracer son vécu dans ce camp de la mort. Elle leur raconte sa famille juive, leur vie à Paris, les premières mesures antisémites, les restrictions, les arrestations, puis la déportation...
Alors qu'elle pensait avoir enfoui tous ces souvenirs, elle témoigne pour tous et surtout auprès des jeunes générations, pour ne jamais oublier l'horreur du "plus grand cimetière du monde".
Citations "Il y avait une sélection à l'arrivée.
Ça servait à quoi de faire venir tout le monde pour ne pas les faire entrer ?
Pour entrer, il fallait sembler avoir entre 15 et 50 ans. Les SS ne demandaient pas les papiers. Ils décidaient à l'œil, en une fraction de seconde, qui devenait esclave et qui partait, en camion, à la chambre à gaz.
Par exemple, toi, tu fais trop jeune, tu ne rentrais pas.
Toi, oui.
Toi, tu es mort.
Toi aussi.
Toi, tu vis encore un peu.
Toi, non.
Toi, tu passes, ainsi que toi.
Pour toi, c'est fini. Et caetera."
L'avis d'Histoire d'en lire
Le scénariste Jean-David Morvan a précédemment travaillé sur une figure importante de la Seconde Guerre mondiale : Madeleine Riffaud qui s'est distinguée en tant que résistante.
Cette fois, il reconstitue l'horrible parcours de Ginette Kolinka, rescapée du camp d'Auschwitz.
En duo avec Victor Matet, il la laisse même raconter son propre vécu, comme elle ne cesse de le faire, depuis qu'elle a commencé à témoigner.
Une BD autobiographique Ginette Kolinka est la scénariste principale de cette BD ; Jean-David Morvan et Victor Matet en sont ses porte-paroles et ont travaillé de concert pour adapter son propos dans ce format.
C'est ainsi qu'ils ont choisi d'entremêler son passé (de sa naissance à sa déportation) et son présent (lorsqu'elle visite pour la dernière fois le camp d'Auschwitz, alors âgée de 95 ans).
Ces allers et retours intimement liés sont percutants. On suit la Ginette Kolinka d'aujourd'hui qui se remémore son enfance, son adolescence et donc ensuite la guerre, lorsqu'elle vivait à Paris avec sa famille.
Puis, toute la période de détention au camp d'Auschwitz.
Et, jusqu'à ce qu'elle revienne à Paris, après la libération des camps et le rapatriement des survivants.
Cette BD reflète complètement l'état d'esprit de Ginette Kolinka. Malgré sa souffrance et son sentiment de culpabilité d'avoir perdu son père, son frère et son neveu, gazés dès leur arrivée à Auschwitz, elle reste une battante et c'est cette force de caractère qui transparait complètement dans ce livre, qui va lui permettre de survivre, puis bien plus tard, de raconter.
Témoignage et transmission
Les dessins de Cesc et Efa sont extrêmement soignés et restituent tantôt l'horreur du camp, tantôt l'aura qui entoure Ginette Kolinka, lorsqu'elle est âgée.
Par ses couleurs, Roger appuie lui aussi sur cette volonté de rester au plus près de la vérité historique. Le dessin de la première de couverture est très émouvant. On y voit les deux Ginette, jeune (prisonnière) et âgée (libre) qui se croisent du regard, se frôlent la main, l'une se dirigeant vers l'entrée du camp d'Auschwitz, l'autre en ressortant.
Cette BD autobiographique a bien sûr pour but de garder en mémoire ce qu'a vécu précisément Ginette Kolinka mais il y a aussi l'objectif de se souvenir de toutes celles et tout ceux qui ont vécu la barbarie nazie et qui, pour beaucoup, ont péri dans les camps de la mort.
Un livre accessible dès la fin du collège, avec, à la fin un dossier documenté et accompagné de documents et photographies d'archives "Ginette Kolinka, itinéraire d'une survivante", écrit par Tal Bruttmann, historien français spécialiste de la Shoah.