Jean Munyangoma vient de fêter ses sept ans début avril 1994. Mais au Rwanda, la situation est plus en plus tendue pour les Tutsi. Jean et son grand frère voient ceux qui étaient leurs amis, leurs voisins scander des chants dans la rue, tracer des croix blanches sur les portes des maisons où vivent des Tutsis. Et puis, brusquement, toute la famille de Jean disparaît. Le petit garçon doit fuir, se cacher continuellement des Hutus. Jean doit vivre !
Citations " - Jean, nous allons prendre le taxi pour Butare, d'accord ?
J'acquiesce.
- A partir de maintenant, je vais raconter à tout le monde que tu es mon fils.
Je la fixe, abasourdi.
- Oui, je vais mentir. Mais c'est pour te protéger. Sur ma carte, il y a écrit : Hutu. Tout le monde croira que tu es hutu.
Je comprends. Je ne serai pas obligé de m'envoler vers le soleil aux barrages. Je demande quand même :
- Même si je suis tutsi ?
- Seules les cartes déterminent ton appartenance. Cette loi est stupide. Nous nous ressemblons tous. Nous sommes tous noirs. Avec des lèvres plus ou moins grosses, des nez plus ou moins épatés, des physiques disparates... comme partout dans le monde !" p. 228-229
L'avis d'Histoire d'en lire
Acteur, metteur en scène de théâtre, Pierre-François Kettler est aussi auteur de livres. Son séjour au Rwanda dans le cadre d'un service national l'ouvre sur le monde et lui fait rencontrer l'histoire contemporaine de ce pays.
Le génocide rwandais : avril-juin 1994
L'histoire contemporaine du Rwanda est marquée par le génocide des Tutsis perpétré par les Hutus entre avril et juillet 1994. Pierre-François Kettler commence à développer le contexte historique dès le début du roman. Et il a choisi le point de vue d'un enfant tutsi, plus tard réfugié en France, qui raconte sa propre histoire, l'histoire d'un survivant.
Jean, témoin du génocide
En adoptant un narrateur interne, Pierre-François Kettler nous plonge directement dans les atrocités du génocide et nous fait ressentir d'autant plus durement toutes les manifestations de violence qui se déroulent alors.
Du haut de ses sept ans, Jean Munyangoma doit fuir les "coupeurs". Avec toute l'innocence qui est la sienne, Jean n'a pas totalement conscience de la mort qui rôde partout autour de lui : les gens semblent dormir même s'il leur manque des bras, des jambes, leur tête. Jean ne veut pas les déranger, il a peur de les réveiller. Il raconte donc avec son ressenti et son imagination d'enfant. Mais il a compris qu'il devait se cacher des Hutus, armés de bâtons, de machettes, qui sont bien décidés à éliminer tous les "cafards" qu'ils croisent sur leur chemin.
Jean n'écrira ses souvenirs qu'à partir de ses douze ans grâce à Mme Richard qui lui enseigne la langue française. Jean a conscience qu'il doit laisser un témoignage pour les générations futures et pour rendre hommage aux centaines de milliers de victimes hommes, femmes et enfants tutsis.
L'implication de la France
Jean n'est qu'un enfant et à ce titre, il ne perçoit que faiblement les tenants et les aboutissants de ce qu'il se passe. Il est parfois question de l'O.N.U., de soldats français qui sont là en soutien des Hutus. Et pourtant, n'est-ce pas un soldat français qui lui permet de partir pour la France, en toute sécurité ? Sans développer davantage, à travers son personnage, Pierre-François Kettler vient appuyer sur un point important : l'implication de la France dans ce génocide alors que les gouvernements successifs maintiennent un certain trouble sur ce sujet.
Destiné aux lecteurs adolescents et adultes, Je suis Innocent est un texte fort, émouvant, utile pour se souvenir de ces victimes, combattre encore et toujours les violences perpétrées au seul motif de la différence.
Un roman soutenu par Amnesty International.