L'interview de LEFEVRE Thierry

LEFEVRE Thierry

Thierry Lefèvre répond aux questions d'Histoire d'en Lire en tant que directeur de la collection Courants noirs chez Gulf Stream Editeur.

Bonjour Monsieur Lefèvre,
Bonjour Isabelle Durand,

La collection « Courants noirs » des éditions Gulf Stream a été créée en 2008. Comment est née cette idée ?
Les quatre premiers titres de la collection sont effectivement parus en 2008. En fait, nous sommes partis du constat qu’il n’y avait pas de collection dédiée aux polars historiques. Il existe bien ce genre de livres mais ils sont plutôt noyés dans les catalogues des autres éditeurs. Nous avons donc décidé d’explorer ce genre le plus largement possible. Les périodes traitées vont du Néolithique (pour les auteurs qui veulent s’y risquer) à la Seconde Guerre mondiale. Et encore, c’est une limite chronologique que nous avions fixé au départ mais celle-ci n’existera bientôt plus puisque Lilian Bathelot s’apprête à sortir un nouveau roman dont l’intrigue se déroule pendant la guerre d’Algérie.

La collection compte actuellement une vingtaine de titres pour une dizaine d'auteurs différents. Le développement a donc été rapide en peu de temps. Avez-vous un objectif chiffré à tenir pour l’année, un certain nombre de titres à publier ?
Deux nouveaux livres sont à paraître prochainement, la collection « Courants noirs » atteint donc une vingtaine de titres. Quatre titres ont été publiés la première année en 2008, quatre également en 2009, six en 2010, six-sept en 2011. Mais nous n’irons pas au-delà de ces chiffres car j’écris toujours et je m’occupe aussi d’une nouvelle collection « Galapagos ». Il faut donc garder du temps pour tout cela. Pour 2012, nous prévoyons cinq, six titres maximum. C’est déjà bien assez car Gulf Stream reste une petite maison d’édition.

On remarque que plusieurs auteurs ont déjà écrit au moins 2 titres pour cette collection et s’apprêtent peut-être à continuer ; toutes les couvertures des romans ont été illustrées par la même personne, Aurélien Police. En fidélisant ainsi les auteurs, vous pensez que cela contribue à fidéliser tout autant les lecteurs ?
Oui, par exemple, Jérôme Noirez a déjà écrit quatre titres pour la collection. Les auteurs ont besoin d’un espace de liberté et la collection « Courants noirs » répond à cette attente. Nous avons le sentiment qu’un auteur a besoin de place car un titre isolé vit moins bien dans un catalogue. Il leur faut donc plus de visibilité. Ainsi, chaque auteur est encouragé à proposer autre chose après chaque parution, sans que ce soit forcément une suite à son livre précédent.
Je tenais depuis le début à n’avoir qu’un seul illustrateur pour toutes les couvertures de la collection. Effectivement, cela contribue complètement à bien identifier les livres. Après discussions, notre choix s’est porté sur Aurélien Police. Mais il lui faut encore travailler les couleurs car on nous reproche parfois que ses illustrations sont trop sombres.
Les lecteurs repèrent vite ces livres et apprécient de lire les suites ou les nouveautés d’un même auteur.


Comment se déroule la sélection des titres qui vont être intégrés cette collection ? Est-ce vous qui demandez à certains auteurs d’écrire pour « Courants noirs » ? Sélectionnez-vous parmi les manuscrits reçus ?
Nous préférons plutôt la cooptation, c’est-à-dire que les premiers auteurs amènent d’autres auteurs et ainsi de suite. On discute alors d’un projet (période, pays…). Je fais en sorte qu’il n’y ait pas deux auteurs travaillant sur une même période. Je juge sur synospsis et l’auteur m’envoie les premiers chapitres. C’est une vraie prise de risque, d’autant plus que nous signons un contrat avant la rédaction complète du livre. Cette méthode nous permet de rendre plus vivante la politique éditoriale.
Je reçois aussi des manuscrits mais jusqu’à présent, je n’ai jamais fait de choix de cette manière pour la collection. Je reste déçu de ce que je reçois.


La collection « Courants noirs » propose des polars historiques pour un public adolescent. Outre ce genre, les auteurs doivent-ils respecter d’autres critères pour que leur livre intègre la collection ?
La collection s’adresse à un lectorat adolescent mais plutôt fin de collège (4ème-3ème) et lycée. Seuls quelques titres peuvent être lus par des 6ème-5ème. Je pense notamment à L’Oeil de Seth.
Il y a aussi Zoo criminel, un recueil de nouvelles écrites par les premiers auteurs de la collection. Justement, des nouvelles sont lues plus facilement par des plus jeunes ou des lecteurs moins à l’aise. Mais ce livre se vend mal. C’est un genre qui a du mal à passer auprès des distributeurs, c’est dommage.
Sinon, le niveau d’ensemble est plutôt élevé. D’ailleurs, les jeunes adultes et adultes apprécient aussi beaucoup les livres de cette collection. De manière générale, ils répondent bien à leurs attentes. Je vous conseille Lame de corsaire, un roman d’aventures et à huis clos.
Ce sont donc des polars mais aussi des romans historiques. Le décor historique est primordial et il doit répondre aux préoccupations des jeunes et préserver leur imaginaire. Mais en même temps, ce n’est pas qu’un simple décor et il ne doit pas être assommant. Les auteurs doivent bien jauger ce contenu-là.
A côté de cela, il a l’intrigue qui s’imbrique dans ce contexte historique. On retrouve presque toujours des personnages jeunes, adolescents ou jeunes adultes, ce qui permet au lecteur de s’identifier à eux. Citons, par exemple, Fleurs de dragon qui est en plus un roman d’initiation.
Enfin, je demande aux auteurs de respecter un critère de taille de texte. Il doit se situer entre 300 000 et 450 000 signes maximum. Une contrainte qu’a du mal à tenir Nicolas Cluzeau qu’on n’arrête plus une fois lancé !


Peut-on savoir quel est ou quels sont les titres de la collection à paraître prochainement ?
Le 18 août paraît Desolation road, le dernier roman de Jérôme Noirez. Et le 8 septembre, Les Poisons de Versailles de Guillemette Resplandy-Taï. D’autres auteurs écrivant déjà pour la collection travaillent actuellement à de nouveaux ouvrages.

Je vous remercie pour vos réponses et vous souhaite une bonne continuation pour la collection « Courants noirs ».
Isabelle.


Interview réalisée le 11 août 2011.