La Guerre d’Eliane de Philippe Barbeau : un texte émouvant sur la Première Guerre mondiale, l’histoire d’une famille et de son village racontée par une petite fille, Eliane, qui comme beaucoup d’autres à cette époque, ont dû endurer les difficiles conditions provoquées par ce conflit.
Bonjour Philippe Barbeau,
Bonjour Isabelle.
Ce roman est dédicacé à votre mère, à Josiane et Georges Bernardin. Sur votre site, vous indiquez qu’il s’agit de l’histoire de votre mère. D’après les nombreux documents d’archives disponibles sur votre site, on voit que vous avez eu accès à tout ce qui pouvait vous être nécessaire pour retranscrire cette histoire. Est-ce vous qui avez voulu savoir comment cette Grande Guerre avait touché votre famille ? Ou vos proches ont-ils pris eux-mêmes l’initiative de vous en parler ?
Maman racontait souvent sa vie et, chaque fois qu’elle abordait la guerre 14-18, je mesurais combien la perte de son père sur le front était douloureux pour elle. J’ai eu l’idée de ce livre, un jour où, après l’avoir accompagnée sur la tombe de Joannès, à Verzenay, elle m’a demandé d’aller à Douaumont. Là, près de l’ossuaire, j’ai pris conscience du nombre d’enfants qui avaient perdu leur père à l’occasion de ce conflit, quelque soit leur couleur de peau, quelque soit l’uniforme que portaient les soldats. C’est également là que je me suis dit que la guerre est aussi terrible à l’arrière et que la souffrance, même si elle y est monstrueuse, ne sévit pas que sur le front. J’ai donc demandé à Maman de m’écrire sa guerre 14-18 sur un cahier afin de me remettre les idées en place pour en faire un roman. Elle m’a alors dit : « Tu sais, tous les gosses ont eu la même vie que moi à cette époque, ça n’intéressera personne. » Je me réjouis aujourd’hui qu’elle se soit trompée.
Quel a été votre objectif en écrivant ce livre ? Mettre par écrit le souvenir de votre mère qui a vécu ce terrible événement qui a, comme pour beaucoup d’autres, touché votre famille par la perte d’un proche, sans doute ? A partir d’une histoire qui fait partie de vous, offrir aux enfants l’occasion de découvrir ce qu’était cette guerre ?
Je voulais bien sûr raconter la vie de cette petite fille à l’immense courage qui, bien des années plus tard, deviendrait ma mère. Je voulais également montrer que, en temps de guerre, la vie était aussi terrible à l’arrière. Je ne l’ai cependant pas écrit pour faire dans le sordide ou le sensationnel. Toutes les guerres sont injustes, abominables, imbéciles. Celle de 14-18 me semble hélas un modèle du genre. J’ai écrit mon histoire pour qu’on sache ce qu’est la guerre, pour qu’on se souvienne des erreurs passées et ne les refasse pas. J’ai tout à fait conscience de n’avoir réalisé qu’un modeste travail, mais j’espère que cette goutte d’eau dans l’océan des pensées humaines aidera un jour à ce que de telles horreurs ne se reproduisent pas.
Pour écrire ce livre, avez-vous fait d’autres recherches historiques sur la Première Guerre mondiale en général pour alimenter le contenu ? Ou les archives concernant votre famille vous ont-elles suffi pour ce projet ?
La Guerre d’Eliane était mon premier roman historique. En plus, il parlait de ma mère. Le rater m’était donc interdit et j’ai pris un maximum de précautions. Voilà pourquoi j’ai fait une énorme enquête, bien au-delà de ce dont j’avais besoin, bien au-delà des archives familiales. Les documents sur mon site ne représentent qu’une infime partie de ce que j’ai glané.
Comme mentionné sur votre site, vous faites régulièrement des interventions auprès des enfants, dans les classes. Avez-vous fait des interventions concernant ce roman ? Si oui, quels ont été les principaux questionnements des enfants (sur la guerre en elle-même, sur Eliane et sa famille, sur les conditions de vie en général) ?
J’ai mené et continue de mener de nombreuses interventions autour de ce roman. Les principaux questionnements des enfants sont ceux que vous indiquez. La passion et l’étonnement sont toujours au rendez-vous.
Pensez-vous, un jour, écrire un autre livre sur la Première Guerre mondiale, fort du succès de celui-ci ?
C’est très, très probable, mais pas pour rebondir sur le succès de celui-ci. La guerre 14-18 est un sujet passionnant, inépuisable, une formidable source d’humanité derrière toutes les horreurs qui la caractérisent pourtant. J’ai envie d’en explorer de nouvelles pistes. Après, c’est affaire d’urgence, de priorité… et d’éditeur intéressé.
Vous avez également publié en ce début d’année un roman Mystères à la cour de Louis XIV, sur une toute autre période historique, donc. Pourquoi avoir choisi ce thème et cette période ?
J’ai d’abord choisi le décor pour ce roman Hatier. Je voulais en effet parler de Chambord, haut lieu touristique auprès duquel j’ai longtemps vécu. J’ai décidé de la période une fois l’enquête commencée, c’est cette enquête qui m’a guidé vers Molière et Louis XIV.
Elève, je détestais l’Histoire qui, pour moi, n’était qu’une accumulation de dates. Avec La Guerre d’Eliane, j’ai découvert que l’Histoire est avant tout humaine, qu’elle est le fruit d’existences qui se croisent à un instant donné, que nous participons aujourd’hui, avec nos modestes vies, à la création de l’Histoire de demain. C’est ce que j’essaye de raconter aux enfants, comment la petite et la grande histoire se mêlent. Tous les sujets m’intéressent donc. Voici les périodes dont je vais parler dans plusieurs de mes prochains livres : Lascaux il y a 18.000 ans (Hatier), le 12 octobre 1492 avec Christophe Colomb et les Indiens Tainos (Hatier), la guerre 14-18 sous un autre angle (chez un autre éditeur… si tout va bien).
Un dernier petit mot pour les lecteurs d’Histoire d’en Lire ?
Le livre est pour moi un partage d’émotions entre auteur et lecteurs. Si la langue est importante, j’écris d’abord avec mon cœur, même quand j’aborde l’humour. J’espère, en visitant quelques pages aussi humaines que possible du passé, vous émouvoir et, du rire aux larmes, partager mes émotions avec vous, mes lecteurs d’Histoire d’en Lire.
Je vous remercie pour vos réponses et votre participation. Et je vous souhaite une bonne continuation pour tous vos projets.
Isabelle, Histoire d’en Lire.
Merci pour l’intérêt que vous portez à mon travail et longue vie à Histoire d’en Lire.
Philippe Barbeau.
Interview réalisée le 26 mars 2008.