L'interview de PIQUEMAL Michel

PIQUEMAL Michel

Bonjour Monsieur Piquemal,
Votre bibliographie est riche de livres historiques jeunesse. A travers ces livres, vous continuez d'enseigner, de transmettre, de valoriser l'Histoire auprès des jeunes générations. D'où sont nées ces passions de l'écriture et de l'Histoire ?

Toute mon enfance, j'ai été un grand lecteur. Je dévorais tout ce qui me tombait sous la main, et notamment des livres historiques qui avaient ma prédilection. Par ailleurs, mon père était responsable national des Ciné Clubs... et j'ai donc été nourri de beaucoup de films. Le pont de la rivière Kwaï, Ben Hur ou la Grande Evasion faisaient mes délices.

Connaître l'Histoire permet à chacun et chacune de se construire en tant qu'individu et au sein d'une société. Pourtant, ce n'est pas toujours facile d'intéresser les enfants à l'Histoire. Les cours restent souvent trop théoriques. Les fictions historiques sont justement un bon moyen de faire découvrir une période, un événement en suivant une intrigue. Est-ce que les professeurs ne devraient pas davantage s'appuyer sur cette littérature si riche, en complément de leur enseignement ?
Beaucoup d'enseignants choisissent les ouvrages lus en classe en fonction du programme d'Histoire et je trouve que c'est un excellent moyen d'intéresser les élèves. J'ai récemment vu beaucoup de classes de CM qui lisaient mon Trésor des poilus, tout en enseignant la Première Guerre Mondiale.

Vous avez beaucoup écrit sur la préhistoire et l'Antiquité, les Indiens d'Amérique du Nord. Qu'est-ce qui vous fascinent sur ces sujets ?
Je dis souvent : comment peut-on ne pas s'intéresser à la Préhistoire qui est le temps de l'origine de l'homme ? Cela me semble inconcevable. Il en est de même pour l'Antiquité. Pour moi qui vis dans le Midi, il est évident que notre façon de vivre méditerranéenne a été façonnée par la civilisation greco-romaine. Il faut donc l'enseigner aux enfants. Une civilisation vient de quelque part, elle n'est pas le fruit du hasard et garde en germe ce qui l'a fait naître.
Quant aux Indiens, c'est suite à un voyage aux États-Unis et au Canada que la passion pour leur mode de vie m'a interpellé. Et puis je pense qu'il y a aussi le souvenir des grands Westerns de John Ford ou Raoul Walsh qui m'ont marqué.
Je répète souvent aux enfants que si l'on veut comprendre la civilisation dans laquelle on vit, il est indispensable d'étudier (en mode comparatif) d'autres civilisations du monde !


ous avez notamment écrit de nombreuses premières lectures sur ces grands thèmes historiques. L'humour y est très présent. Est-ce qu'on peut justement plus facilement se permettre d'être drôle sur des périodes si lointaines, tout en conservant le souci d'une véracité historique en toile de fond ?
Je suis incapable d'écrire un livre où l'humour ne soit pas présent... Cela fait partie de moi... Par ailleurs souvent, c'est dans les périodes les plus tragiques que l'homme a besoin d'humour dont il est le meilleur antidote.
De plus, lorsque j'écris sur la préhistoire pour les petits (comme Le sandwich de mammouth), c'est fatalement un pastiche donc humoristique, ce qui n'exclut pas qu'on puisse glisser des données historiques, comme ont pu le faire Goscinny et Uderzo dans la série des Astérix.


Est-ce qu'il y a des périodes historiques qui vous intéressent moins ? Sur lesquelles vous ne souhaitez pas écrire ?
e pense que je pourrais écrire sur toutes les périodes de l'Histoire, à condition qu'au préalable j'ai creusé la question (lu beaucoup de livres, visionné des films)... Car si l'on ne domine pas son sujet, difficile de se lancer dans pareille aventure.
Récemment j'ai écrit sur l'épopée napoléonienne en Egypte et j'y ai pris beaucoup de plaisir. Mais c'est parce que auparavant j'avais lu tous les récits s'y rapportant.


Le trésor des poilus, votre dernier roman, a pour point de départ notre présent avec un jeune narrateur du XXIe siècle, et une découverte l'amène à remonter au temps de la Grande Guerre. Le fait de faire ce lien direct entre présent et passé n'est-il pas une clé importante pour toucher un plus large lectorat sur un sujet comme la Grande Guerre?
C'était un challenge difficile de mêler deux types de récits avec deux narrateurs qui s'expriment depuis une époque éloignée d'une centaine d'années dans le temps. Mais je crois avoir réussi à « faire prendre la mayonnaise ». Bien Évidemment, le fait que ce soit un enfant d'aujourd'hui qui vive l'aventure au travers du journal du poilu, cela renforce considérablement l'intérêt des jeunes lecteurs. D'autant qu'il y a un trésor archéologique à la clé, qu'ont découvert les poilus mais que l'enfant va redécouvrir à son tour.

Côté albums, aux éditions Magnard, vous avez adapté pour un jeune lectorat le chef d'œuvre de Victor Hugo, Les Misérables, avec deux titres consacrés à deux des personnages phares : Cosette et Gavroche. Comme quoi, on n'est jamais trop petit pour commencer à s'imprégner d'une grande œuvre littéraire ?
Il me semble que nous devons transmettre dès le plus jeune âge les chefs d'œuvre de la littérature... et lorsqu'ils ne sont plus accessibles de par leur vocabulaire dans leur version originale, d'en faire des adaptations. J'avais déjà adapté Roméo et Juliette, Frankenstein, Robinson Crusoé. Il m'a semblé important de donner à lire d'une façon simplifiée les passage des Misérables d'Hugo qui m'ont marqué enfant.

D'autres titres sont-ils prévus dans cette collection Contes & classiques, que ce soit sur Les Misérables ou un autre grand texte ?
A priori, non !

Vous qui avez enseigné l'Histoire, qui continuez d'écrire pour les jeunes sur l'Histoire, trouvez-vous que cette littérature, beaucoup plus diversifiée et conséquente ces dernières années, va permettre de redonner goût aux jeunes pour ce pan de la connaissance ?
Les romans historiques sont toujours des romans d'aventure... et c'est une dimension que la littérature jeunesse avait un peu oublié après les années 70. Lire des fictions historiques avec des héros attachants est une façon de dépoussiérer l'Histoire, de la sortir de son cadre trop formellement scolaire. Tout le monde a à y gagner : les enfants, les auteurs mais aussi les enseignants.

Un dernier petit mot pour les lecteurs d'Histoire d'en Lire ?
Lire des récits historiques me semble indispensable pour comprendre la marche du monde... et bâtir un avenir qui permette de ne pas refaire les mêmes erreurs que par le passé. Nous avons en France de grands auteurs de fictions historiques, et je trouve formidable le rôle de conseil que joue gracieusement ce site. Bravo aux contributeurs !

Je vous remercie pour vos réponses et vous souhaite une bonne continuation.
Isabelle.


Interview réalisée le 15 mai 2023.