L'interview de LEON Christophe

LEON Christophe

Bonjour Christophe Léon,
La Guerre au bout du couloir est votre premier roman consacré à la guerre d’Algérie. Deux autres ont suivi : Mi-figue mi-raisin (2009), Dernier métro (2012). Vous êtes vous-même né à Alger. Qu’est-ce qui vous a décidé à écrire sur ces événements ?

Bonjour Isabelle Durand,
La Guerre au bout du couloir est en fait mon premier roman « ado » consacré à la guerre d'Algérie, mais il y a eu auparavant Palavas la Blanche un roman de littérature générale dans la collection La brune des éditions du Rouergue.
Je suis né à Alger mais n'ai aucun souvenir de cette époque, puisque j'en suis parti à l'âge de trois ans en 1962. Ce sont mes parents, et à travers leur filtre, qui m'ont raconté l'Algérie.
Écrire sur la guerre — qui ne fut longtemps qu'un « évènement » — et ses suites m'a été tout naturel, sans avoir besoin de me décider ou non. Enfant puis adolescent, j'ai baigné dans cette Algérie mythique, « un pays qui n'existe plus, un paradis perdu » disait mes parents.


Y-a-t-il des éléments autobiographiques dans le roman La Guerre au bout du couloir, comme on en trouve notamment dans Mi-figue mi raisin ?
Seulement dans Mi-figue mi-raisin, que j'ai écrit à la demande de Francine Bouchet, éditrice de La joie de lire, et qui est un récit autobiographique à contraintes : 22 chapitres, de la naissance au moment où l'on part de chez ses parents — sinon il ne me serait jamais venu à l'idée d'écrire mon autobiographie...
Il n'y a pas d'éléments personnels dans La Guerre au bout du couloir — hormis le lieu et une Histoire à laquelle je suis attaché —, qui s'appuie sur un fait réel s'étant déroulé à Oran après l'Indépendance. Je n'ai pas de frère et n'ai pas vécu cette période, ni jamais été à Oran. J'avais besoin de déplacer mon récit pour ne pas être enclin, justement, à trop y mettre de moi.


Le jeune Maurice, personnage principal de votre roman, est profondément marqué par les discours de ses parents et notamment de son père qui représente bien ce que disent les Français d’Algérie des Algériens, des indigènes comme ils les appellent. En faisant intervenir une famille algérienne, « indigène » pour sauver Momo et son petit frère, c’était le moyen le plus direct pour mettre à mal ces préjugés ?
Pas tous les Français d'Algérie...
C'est bien un paysan algérien qui va sauver ces deux enfants, les prendre chez lui et leur permettre de rentrer sains et saufs. Je pense que le racisme est un « état » très souvent collectif, mais qu'individuellement on a tendance à tendre la main et que certaines situations nous obligent à nous dépasser, du moins je l'espère.
Les préjugés sont le résultat d'une absence de mots, une impossibilité à nommer l'autre, à le considérer comme un égal. C'est l'ignorance qui est à l'origine de tous les racismes. Ce paysan algérien, peu instruit et dur à la tâche, est peut-être plus éduqué que beaucoup d'entre nous, il sait la valeur des choses et des hommes, et ces enfants ne sont pour lui ni des Français ni des Algériens, ils sont des êtres humains. C'est ainsi qu'il les nomme et les accepte. Ce qu'il fait, il le fait naturellement, sans arrière-pensée, il tend la main quand on a besoin de lui, voilà tout.


En résumé, ce roman met surtout en avant les relations difficiles entre communautés, les tensions qui en découlent. C’est ce côté humain qui vous importait, plutôt que de décrire plus en détails des scènes de guerre ?
Oui, le côté humain m'intéressait davantage que les scènes de guerre (d'ailleurs terminée à l'époque de mon roman). J'avais envie de retracer l'histoire d'une relation forte dans un moment sinistre de notre Histoire. Comment des personnes aussi différentes pouvaient s'unir, se comprendre, s'aider et finalement transcender les clivages. La guerre d'Algérie finissant n'était pour moi qu'un « décor », ce qui m'importait étaient les acteurs au quotidien d'un drame qui fut une tragédie pour les deux communautés, et qui encore aujourd'hui demeure douloureusement dans les mémoires.

La Guerre au bout du couloir est aussi votre premier roman édité par Thierry Magnier. Comment s’est passée la rencontre avec cet éditeur et donc en lien avec ce texte-là ?
Pas vraiment. Mon premier roman édité chez Thierry Magnier est Pas demain la veille, La Guerre au bout du couloir est le second. Il s'agit en fait d'une rencontre avec Soazig Le Bail, éditrice chez Thierry Magnier.
J'ai tout simplement envoyé un texte par la poste. Nous nous sommes téléphonés et le contact a immédiatement été chaleureux. J'avoue que je désirais publier chez Thierry Magnier depuis un moment, trouvant les textes qu'ils publiaient intéressants, tant du point de vue du contenu que de la qualité des auteurs édités.
Une relation de confiance et de franchise s'est installée entre Soazig et moi, ce qui nous permet de nous dire les choses sans détours (parfois de façon abrupte) sans que nos rapports en pâtissent. Travailler avec Soazig c'est, comment dire... plutôt rock n' roll et motivant.


Travaillez-vous actuellement à l’écriture d’un nouveau roman historique, que ce soit sur la guerre d’Algérie ou autre ? Si oui, pouvez-nous en dire plus ?
Mon avant-dernier roman ayant un cadre historique s'intitule Argentina, Argentina... paru chez Oskar éditeur en août 2011, qui se situe durant la junte militaire argentine et à pour sujet les enfants volés par ces mêmes militaires. Ce roman est sélectionné pour le Prix des Incorruptibles 2013 dans la catégorie 3e / 2nde. Le dernier est Dernier métro en janvier 2012, paru aux éditions La joie de lire. Je vais donc marquer une pause pour l'instant, et travailler sur des textes plus en prises avec la société actuelle.

Un dernier petit mot pour les lecteurs d’Histoire d’en Lire ?
LISEZ.


Je vous remercie pour vos réponses et vous souhaite une bonne continuation.
Isabelle.