L'interview de FERET-FLEURY Christine

FERET-FLEURY Christine

Bonjour Christine Féret-Fleury,
Editrice, auteure pour jeunes et adultes, votre activité littéraire est intense. Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans chacun de ces métiers ?

Bonjour,
Pour moi, ces deux métiers sont complémentaires. Je connais les contraintes des éditeurs et les difficultés des auteurs, ce qui me permet la plupart du temps (je l’espère) de mieux comprendre mes interlocuteurs, qu’ils soient de l’un ou de l’autre bord ! Éditrice ou auteure, je suis dans « la pâte » du texte, je le travaille, je l’interroge, avec le même but : faire de mon mieux, le meilleur livre possible. C’est chaque fois une aventure enthousiasmante.


Ici, nous allons plus particulièrement nous intéresser à vos romans historiques pour la jeunesse. La Préhistoire, l’Antiquité, l’Epoque moderne, la Commune, le Titanic, vous n’hésitez pas à explorer de nombreuses époques. Plutôt que de vous spécialiser, vous aimez ainsi vous ouvrir à tous les thèmes et plonger dans des recherches documentaires pour l’écriture de vos romans ?
Enfant, je rêvais que dans l’avenir quelqu’un inventerait la machine à remonter le temps, qui me permettrait de me promener dans toutes les époques du passé et de découvrir bien des secrets et des aspects ignorés de l’Histoire. J’ai grandi, mais le passé, hélas, me reste impénétrable. Sauf par le truchement de l’imagination et de l’étude. À chaque roman, je change d’époque et je découvre un nouveau monde, une nouvelle manière de vivre et de penser le monde. C’est passionnant ! J’adore les quelques mois que je passe plongée dans ma documentation, avant même d’écrire la première ligne : c’est là que je « sens » l’époque, que je me familiarise avec elle, souvent par des détails minuscules, comme certains gestes de la vie quotidienne, au point d’avoir l’impression d’y avoir moi-même vécu. Me spécialiser, ce serait renoncer à mes explorations...

Vous avez écrit quatre romans pour la collection « Mon histoire » chez Gallimard jeunesse : SOS Titanic : journal de Julia Facchini, 1912 ; Le Temps des cerises : journal de Mathilde, 1870-1871 ; Les Cendres de Pompéi : journal d'une esclave, an 79 ; La Chanteuse de Vivaldi : journal de Lucrezia, Venise, 1720. En tant qu’ex-éditrice dans cette maison d’édition, c’était tout naturel de participer à ce projet ?
C’était plutôt tout naturel en tant qu’auteur. J’avais déjà écrit quatre romans historiques (La Tour du silence et la trilogie des Chaân chez Flammarion) et j’avais envie de continuer. La collection Mon Histoire m’offrait une nouvelle manière de le faire – en devenant moi-même, à travers la rédaction d’un journal intime, l’un des personnages de l’époque concernée.

Pour SOS Titanic : journal de Julia Facchini, 1912, vous avez opté pour un point de vue complètement original : aborder le naufrage du Titanic par une passagère du Carpathia, ce navire venu secourir les rescapés du Titanic. Comme vous est venue cette idée ?
Devant l’abondance des romans et films qui tous racontaient cette histoire du point de vue des passagers du Titanic ! J’étais assez découragée à l’idée d’écrire le cent cinquantième livre sur le sujet... Et puis, tout à coup, j’ai pensé au bateau sauveteur... et je me suis dit : cette histoire-là n’a jamais été racontée. C’est ce que je vais faire !

Dans Le Temps des cerises : journal de Mathilde, 1870-1871, la narratrice nous fait découvrir Louise Michel. La Commune et cette figure emblématique sont souvent méconnues des jeunes lecteurs. C’est pourtant souvent difficile d’attirer un public comme celui-là sur des sujets qu’il ne connaît pas ?
C’est tout l’intérêt de la collection : rendre accessible aux adolescents certaines périodes peu étudiées en classe, par exemple. La forme du journal intime permet cela car le lecteur se trouve d’emblée de plain-pied avec le personnage, il partage ses aventures, ses sentiments, ses émotions, ses angoisses, ses joies. Je trouve la figure de Louise Michel fascinante ; connaître les événements de la Commune permet, en outre, de comprendre mieux l’évolution de notre société depuis la fin du XIXe siècle.

Dans le dossier présent à la fin du livre Les Cendres de Pompéi : journal d'une esclave, an 79, vous mentionnez rêver de Pompéi depuis votre enfance. Vous êtes-vous déjà rendue sur place ?
Non, malheureusement ! Pour me documenter, j’ai étudié de nombreux plans, vu des dizaines de films et des centaines de photos... Au point, sans doute, de pouvoir me diriger dans la ville les yeux fermés. Mais je ne désespère pas de m’y rendre un jour.

Le roman La Chanteuse de Vivaldi : journal de Lucrezia, Venise, 1720 a pour cadre la cité de Venise du XVIIIème siècle. Comment avez-vous fait vos recherches sur cette époque ?
En lisant de nombreux livres et en écoutant beaucoup, beaucoup de musique...

Qu’est-ce que vous trouvez le plus intéressant en tant qu’auteure dans l’écriture de ces romans sous forme de journal intime ?
La liberté. Le journal intime est un « genre littéraire » particulièrement souple, qui s’adapte au rythme de la vie, au rythme de la pensée. On peut s’interrompre presque au milieu d’une phrase (presque), reprendre trois jours plus tard, passer d’un sujet à un autre, alterner narration et réminiscences... Et puis, dire « je ». L’auteur est totalement impliqué ; il vit la vie de son héros ou de son héroïne, au plus près.

Prévoyez-vous déjà d’écrire d’autres romans pour cette collection ? Si oui, peut-on savoir sur quels thèmes ?
J’aimerais écrire, pour changer, le journal intime d’un garçon. Plusieurs époques m’attirent, mais le choix n’étant pas encore fait, je préfère ne rien dire – je suis peut-être un peu superstitieuse...

Un dernier petit mot pour les lecteurs d’Histoire d’en Lire ?
Ouvrir un livre, c’est un acte de liberté. Les livres sont les amis les plus fidèles, les professeurs les plus indulgents, les refuges les plus sûrs. Lisez et vivez ! Et amusez-vous bien !

Je vous remercie pour vos réponses et vous souhaite une bonne continuation.
Isabelle.


Interview réalisée le 16 novembre 2012.