En 1936, le général Franco et son armée prennent le pouvoir par la force. L'Espagne est alors divisée en deux camps, les Franquistes partisans du général qui instaure une dictature, et les Républicains qui entendent protéger le régime démocratique du pays. Âgée de vingt ans, Maya Roblès est guide au musée du Prado à Madrid. Mais avec la guerre, les grandes œuvres qui s'y trouvent sont menacées. Aussi fait-elle le choix de devenir milicienne et de combattre les fascistes pour mettre ces tableaux en lieu sûr. C'est au cours d'une attaque qu'elle sauve la vie de Louis Keller, jeune journaliste-photographe français qui couvre les événements. Une rencontre qui va bouleverser leurs vies au milieu des destructions, de combats, d'un convoi qui doit sauver le patrimoine artistique espagnol et peut-être plus que cela...
L'avis d'Histoire d'en lire
1939-2019, il y a 80 ans se terminait la guerre d'Espagne avec la victoire de Franco et la mise en place d'une dictature jusqu'à sa mort en 1975. De 1936 à 1939, le pays a connu de nombreuses destructions puisque l'armée de Franco a reçu l'appui des dictatures hitlérienne et mussolinienne ; Franco a fait exécuter des milliers d'opposants et les libertés sont réduites à néant. En écrivant ce roman, Serge Rubin retrace avec passion cette guerre encore si peu explorée en littérature jeunesse et qui marque clairement le début de la Seconde Guerre mondiale.
Et pour une fois, l'auteur met en scène deux personnages adultes, ce qui n'empêche nullement de se fondre dans cet atmosphère si lourde et dangereuse à tout instant. Bien au contraire ! Le lecteur est immergé dans cette réalité, côté républicains dont le groupe mené par la jeune Maya Roblès tente de sauver les œuvres d'art espagnoles.
Devenue la capitaine Teresa Galvez, elle dirige la junte de sauvegarde du patrimoine artistique pour convoyer les tableaux de grands peintres hors de l'Espagne. Cette histoire n'est pas sans rappeler celle des Monuments Men, corps d'engagés pour la sauvegarde de l'art et des monuments, quelques années plus tard pendant la Seconde Guerre mondiale.
Serge Rubin insiste avec justesse sur l'importance de l'implication des forces allemande et italienne dans la victoire de Franco. Sans cela, Franco n'aurait pu gagner la guerre. Louis Keller, en tant que reporter, veut faire prendre conscience aux pays démocratiques de ce qui se joue en Espagne pour les faire réagir et qu'ils choisissent d'intervenir auprès des Républicains. Le journalisme de guerre se développe considérablement à cette époque-là. Le reporter est au cœur du danger pour capter les meilleures photos et rendre compte. Mais pour donner un peu de piment à cette histoire, Serge Rubin a imaginé une relation plutôt complexe entre Maya et Louis, dans laquelle intervient le démon du jeu et qui aura encore des conséquences 70 ans plus tard.
Ce sont eux qui témoignent en 2010 au moment de restituer les tableaux qu'ils avaient conservé précieusement pendant toutes ces années. Et en guise de dossier historique, Maya Roblès écrit une longue lettre à ses petits-enfants et arrière-petits-enfants dans laquelle elle rappelle tout le contexte de l'histoire espagnole vécue depuis sa propre naissance jusqu'à ses 94 ans.
Serge Rubin a su revenir sur l'ensemble d'un conflit civil tout en focalisant sur un duo de personnages, témoins et acteurs des événements. L'alternance des chapitres entre le temps de la guerre et le présent en 2010 donne à ce roman un caractère de témoignage. Un livre pour se souvenir, pour montrer les conditions de vie sous un régime dictatorial, un roman pour rappeler l'importance de l'art comme "instrument de guerre offensive et défensive contre l'ennemi" comme l'a rappelé Pablo Picasso après la réalisation de Guernica en pleine guerre civile espagnole.