Sarah et sa grande sœur habitent dans un appartement, en ville, avec leurs parents. Une ville qui n'est plus tranquille depuis que des soldats sont arrivés. La famille n'a plus le droit de rien faire et tout le monde a peur.
Un soir, leur maman sort, ne voyant pas son mari revenir. Mais elle est aussitôt arrêtée par des soldats. Terrifiées, les filles ont poussé un cri et attiré leur attention. Heureusement, l'ogre de l'immeuble, le concierge, vient recueillir les deux fillettes et les cache dans sa longue barbe.
Citations "- Ne vous approchez pas, j'ai dit, en brandissant le tisonnier de la cheminée.
Il m'a désarmée d'un geste vif et nous a fait signe d'approcher, tout en écartant les pans de sa longue barbe, comme un rideau.
- Qu'est-ce que vous voulez ? a demandé Sarah.
Des bruits de pas ont envahi l'escalier. Les policiers montaient précipitamment.
- Allez-y, il a dit en refaisant le geste. Montez, cachez-vous vite avant qu'ils arrivent !
Sarah m'a fait un signe de la tête et a plongé dans l'épaisse barbe. Moi, je n'avais pas du tout confiance en lui, mais pour rien au monde je n'aurais abandonné ma sœur. J'ai plongé à mon tour."
L'avis d'Histoire d'en lire
Olivier Dupin peut aborder tous les sujets, des plus drôles aux plus sérieux. En duo avec le talentueux illustrateur Barroux, il rend hommage aux Justes, ces hommes et femmes, célèbres ou anonymes, qui ont risqué leur vie, pendant la Seconde Guerre mondiale, pour sauver des Juifs de la barbarie nazie.
L'Ogre d'en bas est magnifiquement construit. La grande sœur de Sarah, la narratrice, focalise l'attention sur le concierge, cet homme qui ne répond jamais, qui a une très longue barbe et effraie les enfants par son apparence. Les lecteurs et lectrices le voient d'emblée comme le "méchant" et pourtant, dès la deuxième double page, le point de vue change. Par les couleurs rouge et noir, Barroux traduit l'arrivée des soldats et le danger imminent ; alors que l'univers des fillettes est auréolé de jaune, et celui de l'ogre, de bleu. Un code couleur qui facilite la lecture des images, tout en s'imprégnant du récit.
Olivier Dupin a opté pour un contexte épuré. L'album s'adresse à des enfants dès 5-6 ans qui n'auront aucune connaissance sur la Seconde Guerre mondiale et il s'agit, ici, d'évoquer un contexte dans ses très grandes lignes : les restrictions de libertés, la menace envers certaines catégories de la population, l'aide précieuse et indispensable de certaines personnes envers celles et ceux qui sont traqués.
Celui qui est désigné comme l'ogre devient le sauveur. Désormais seules, les fillettes n'ont pas d'autre choix que de lui faire confiance. C'est ainsi qu'au fil des pages, Olivier Dupin déconstruit cette image de "méchant". De même Barroux fait évoluer les expressions des personnages pour montrer les changements de rapports entre eux.
L'Ogre d'en bas est un album écrit et illustré avec beaucoup de sensibilité. À caractère historique, il n'en reste pas moins d'actualité. Preuve que tout un chacun peut tendre une main bienvenue à celles et ceux qui en ont besoin.
Un magnifique hommage et un très beau message de paix.