Un garçon court. Il court, parce que sa vie en dépend. S'il s'arrête de courir, sans doute va-t-il mourir, sous les coups de machettes ou les balles des Hutus.
Il a perdu toute sa famille et a pu se réfugier en Europe. Mais comment vivre quand tous les proches, parents et amis sont morts ? Pourquoi même être resté vivant ?
Citations "Les vieux pas si vieux, mais vieillis de souffrances, racontent peut-être nos histoires. Des rumeurs, pour certains. Moi, je sais ce que j'ai vécu, même si je ne peux pas le raconter, même s'il n'y a personne pour m'écouter. Je me chuchote à moi-même mais je parle quand même. Je murmure dans ma tête. À quoi bon crier ? Mes oreilles ne le supporteraient pas. Ma parole est un silence pour les autres. Je suis un mort qui ne peut raconter que le flou, la folie, l'indicible, l'impossible à croire, à entendre. Dire ne suffira jamais pour exprimer mon vécu." p. 17
L'avis d'Histoire d'en lire
Libraire et écrivaine, Magali Turquin n'hésite jamais à aborder des sujets d'adulte à destination du jeune public.
Alors c'est tout naturellement qu'elle destine aux ados un court roman sur le génocide rwandais de 1994.
Courir pour vivre Un jeune homme est le narrateur du roman et l'on comprend qu'il se souvient, quelques années plus tard, devenu adulte, des atrocités qui ont eu lieu au Rwanda en 1994. Il est adolescent à cette époque et a survécu. Réfugié en Europe, il raconte sa course effrénée pour rester en vie. Le texte est court mais direct et saisissant.
Courir est le fil rouge tout au long du récit parce que c'est ce qui va le raccrocher constamment à la vie. Arrêter de courir signifie être rejoint et donc être tué.
Mais pendant sa course et ses instants de cache, il raconte l'indicible. L'adolescent a vu sa famille et ses amis mourir. Il sait tout ceux qui ont péri dans l'église, alors qu'ils étaient persuadés que ce lieu divin serait justement une protection sûre. Il connaît ceux qui ont dénoncé les Tutsis, pour qu'ils soient tous traqués comme des bêtes et qu'il n'en reste plus un seul.
Le garçon redonne des éléments de contexte : l'accident d'avion et la mort du président rwandais tutsi, les informations à la radio qui exhortent les Hutus à tuer les Tutsis.
Mais il faut fuir, sachant que n'importe quel voisin ou connaissance peut devenir un ennemi.
Vivre pour soi et les autres L'autre fil conducteur de ce roman est le questionnement permanent du garçon, qui vit, qui survit, alors que des milliers d'autres Tutsis ont été tués.
Pourquoi vivrait-il, lui ? Et même, comment vivre avec tous ces morts autour de soi ? Le croira-t-on ? Et s'il exagérait, plutôt ?
Le jeune homme se pose toutes ces questions légitimes, qu'il n'a d'autres choix que d'affronter. Parce que ce qu'il a vécu est tellement inconcevable, qu'il va devoir faire preuve d'un immense courage pour se reconstruire.
Le garçon aborde aussi la question de Dieu. Comment Dieu a-t-il permis ça ? Pourquoi Dieu n'a-t-il pas protégé les Tutsis réfugiés dans son église ? Il aurait donc laisser faire ce massacre ?
Et enfin, à plusieurs reprises, il fait mention de la présence de Blancs, au moment du massacre. Pourquoi n'ont-ils rien fait pour empêcher cela ? Auraient-ils même contribué à cette tuerie ?
La question est posée. Les Occidentaux ont été très clairement impliqués, et jusqu'au pire.
En si peu de pages, Magali Turquin a réussi à faire de nombreuses questions qui taraudent les survivants. Un texte fort.