Le 12 décembre 1934, Joseph écrit une longue lettre à un journaliste de Paris-Soir. Il décrit sa détention à la maison d'éducation surveillée de Belle-Île-en-Mer. Il y est incarcéré dès mars 1934, pour avoir volé une paire de chaussures.
Dans cet établissement, c'est la loi du plus fort qui règne. Joseph, désormais le matricule 22667, subit humiliations et violences de la part des gardiens, mais aussi de pensionnaires plus forts que lui. Nombreux sont ceux à vouloir s'enfuir mais ils sont vite rattrapés. Petit à petit, la colère gronde au sein des jeunes prisonniers.
Citations "Après une heure de bateau, on est arrivés dans un port appelé « Le Palais ». Il faisait nuit. Le gendarme m'a fait grimper une côte jusqu'à une lourde porte. Puis tout est allé très vite : à l'infirmerie, j'ai dû me déshabiller, me laver à l'eau froide, enfiler un uniforme beige et me faire tondre les cheveux. Ensuite, direction le bureau du directeur. Il a pris un grand cahier et m'a dit que je serais le numéro 22667. Il m'a dit aussi qu'il savait pas combien de temps je resterais là : deux ou trois ans si j'étais sage, jusqu'à mes vingt et un ans sinon." p. 10-11
L'avis d'Histoire d'en lire
Philippe Nessmann met en lumière un sujet très certainement méconnu de son jeune lectorat : les colonies pénitentiaires pour enfants créées au XIXe siècle.
La justice pour les mineurs Thème central de cet album, la justice pour les mineurs existe depuis le XIXe siècle, alors qu'auparavant, les enfants étaient traités et condamnés de la même manière que les adultes. Les trois pages documentaires en fin de livre apportent des informations complémentaires autour de l'histoire qu'a récréé Philippe Nessmann.
L'auteur a imaginé le personnage de Joseph, surnommé le Rouquin, à partir des sources historiques qu'il a consultées et de l'histoire d'un enfant qui a réellement avalé un morceau de fromage avant sa soupe, déclenchant un déferlement de violence, puis une révolte.
Joseph a été incarcéré, en mars 1934, au centre de Belle-Île-en-Mer pour un vol de chaussures. Une décision de justice extrêmement sévère pour un larcin de faible valeur. Les pages documentaires viennent préciser que la justice condamnait en premier lieu le vagabondage.
Ce que l'album dévoile surtout, ce sont les conditions de détention de ces enfants et adolescents. Appelée "maison d'éducation surveillée", cet endroit n'est autre qu'un bagne.
Humiliations et violences à Belle-Île-en-Mer
La colonie pénitentiaire de Belle-Île-en-Mer, au sud de la Bretagne, a ouvert en 1880. Les pensionnaires y apprenaient un métier de l'agriculture ou de la mer. Mais cette intention, qui paraît louable au premier abord, cache un quotidien bien plus sombre.
Dès le début de l'album, nous sommes témoins que Joseph écrit à un journaliste. Et Philippe Nessmann s'appuie sur l'histoire vraie selon laquelle le journaliste Alexis Danan a enquêté sur les enfants maltraités, abandonné et emprisonnés dans les colonies pénitentiaires. Alors qu'on parle de "justice", lui s'intéresse aux droits des enfants qui sont clairement bafoués.
Renforcé par les illustrations réalistes et sombres de Piero Macola, le récit de Joseph est terrifiant. Le garçon décrit son quotidien à Belle-Île-en-Mer, allant même jusqu'à préférer le cachot pour éviter les coups de Cerbère, un garçon plus âgé que lui qui fait régner la terreur parmi les pensionnaires.
La révolte de 1934
Et à la moitié de l'album, l'auteur décrit la révolte du 27 août 1934, telle qu'elle s'est certainement déroulée. Ce morceau de fromage mangé avant la soupe, un manquement grave au règlement, met le feu aux poudres.
S'ensuit une double page illustrée mettant en scène cette révolte dans le réfectoire.
L'espoir renaît chez les pensionnaires. Du moins, pour un temps...
Un récit émouvant, porté par une écriture juste et sans détour, et des illustrations expressives.
En complément de cette lecture, vous pouvez consulter sur le site de Philippe Nessmann un reportage photographique, réalisé par le studio Henri Manuel, sur la colonie de Belle-Île-en-Mer.