Août 61

Période historique : XXè siècle Période historique Août 61 La guerre froide

Type de document : Roman

Auteur : COHEN-SCALI Sarah

Editeur : Albin Michel Jeunesse

Année d'édition : 2019

A partir de 15 ans.

ISBN : 978-2-226-44544-5

Prix : 19,00 €

Août 61
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Résumé

Ben a 83 ans et souffre de troubles de la mémoire. Sa petite-fille Angela le soutient mais Alzheimer semble gagner petit à petit du terrain dans l'esprit de son grand-père. Ben est hospitalisé. Il a certes des pertes de mémoire récente, mais se souvient de son passé si douloureux. Né en 1935, Beniek Kijek est d'origine polonaise. Au moment de la Seconde Guerre mondiale, les Nazis déciment sa famille. C'est en Angleterre qu'il trouve refuge avant de rejoindre une tante survivante en France. Mais Ben n'a jamais oublié Tuva, son amour d'enfance. Née dans un Lebensborn norvégien, elle vit désormais auprès de ses grands-parents à Berlin. C'est là que Ben la rejoint en août 1961. C'est à ce moment-là aussi qu'est érigé un Mur scindant la ville de Berlin en deux.

Citations
"En RDA, il était admis que si un membre d'une même famille tentait de passer à l'Ouest, toute la famille était considérée comme responsable, et suspecte. L'appartement avait été fouillé par des hommes de la Stasi. Erich confirma ses pensées lorsqu'il reprit la parole.
- Les hommes ont dit à Ulrich que sa camionnette servait à faire passer des produits de contrebande, alors ils l'ont confisquée. Je le sais, je l'ai vu par la fenêtre de ma chambre quand ils sont partis. Ils ont dit aussi que l'angle de son antenne de télé était trop orientée à l'Ouest, qu'il n'avait pas mis le drapeau rouge à sa fenêtre le 1er mai dernier ! Que, quand il était jeune, il était professeur et qu'il avait enseigné le nazisme à ses élèves. Ils ont dit... plein d'autres choses... qu'Ulrich était une personne RDA négative."
p. 343

L'avis d'Histoire d'en lire

Avis Août 61
Une fresque historique
La guerre froide, la construction du Mur de Berlin en août 1961 sont très peu abordées en littérature pour adolescents et jeunes adultes. Partant de ses précédents romans Max et Orphelins 88, Sarah Cohen-Scali poursuit sa fresque historique explorant la Seconde Guerre mondiale, l'après-guerre et jusqu'aux années 1960, en pleine guerre froide. Si on a lu ces deux romans précédents, on s'aperçoit des liens qui se font entre les trois titres, sans qu'il s'agisse pourtant d'une trilogie, les trois livres pouvant se lire indépendamment et les personnages étant différents dans chacun.

Les Lebensborn
Mais on retrouve notamment le sujet des Lebensborn que l'autrice explore pour la troisième fois. Cette fois-ci, elle s'intéresse aux Lebensborn norvégiens créés à partir de 1941, la Norvège étant le pays par excellence de la "race supérieure" du point de vue des Nazis. L'objectif était de contraindre les Norvégiennes à avoir des relations sexuelles avec des soldats allemands pour mettre au monde des enfants aux caractéristiques physiques correspondant parfaitement aux critères des Nazis.
Tuva est née dans un Lebensborn norvégien et a été transférée ensuite dans un orphelinat en Saxe. Et son chemin croise plus tard celui de Beniek. Le garçon est tout de suite sous le charme de la fillette, mais il fait partie du groupe d'enfants et d'adolescents qui partent trouver refuge en Angleterre. Beniek et Tuva se sont promis de se retrouver en Allemagne.

Le parcours de Ben
Comme des milliers d'autres enfants juifs, Beniek émigre au Royaume-Uni où il s'installe. En 1959, il apprend qu'un membre de sa famille, une tante, a survécu à la guerre. Elle vit en France et invite Ben à la rejoindre. Il s'installe définitivement à Paris. Entre temps, il a obtenu des nouvelles de Tuva qui est internée dans un asile psychiatrique norvégien. Il faut attendre l'année 1961 pour que les retrouvailles puissent enfin avoir lieu à Berlin-même où vit alors Tuva.

Berlin au temps de la guerre froide
La seconde partie du roman nous entraine au cœur de la ville de Berlin divisée en deux parties à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale : la République Fédérale d'Allemagne (Allemagne de l'Ouest) et la République Démocratique d'Allemagne (Allemagne de l'Est). Ben arrive en août 1961 dans ce contexte. Et comme elle l'a toujours remarquablement fait, Sarah Cohen-Scali développe avec beaucoup de détails ce contexte historique si particulier et plutôt méconnu. On sent toute la qualité de sa documentation et le soin apporté à la synthèse de cette somme d'informations pour la rendre accessible à son lectorat et surtout y faire évoluer ses personnages. Ben représente le souvenir de ceux qui ont péri et, pour les plus chanceux, ceux qui ont survécu au nazisme ; Tuva est, elle, convaincue du bien-fondé du socialisme de la RDA. Rares sont les fictions qui développent ainsi la réalité de la vie quotidienne en RDA, des nombreux rapprochements qui peuvent être faits avec le nazisme alors que le socialisme de la RDA se prétend opposé au précédent régime.

La force de la mémoire
Ben souffre de la maladie d'Alzheimer. Pourtant, son passé est encore bien présent dans son esprit. Et plutôt que de le laisser parler lui-même, Sarah Cohen-Scali a opté pour une narration plus originale. C'est la mémoire du vieil homme qui l'invite à se souvenir. Tout d'abord, la mémoire de Beniek à 11 ans en 1945, puis Ben Junior en 1955, Beni en 1961, celle de Tuva entre 1961 et 1969. Ces interventions des différentes mémoires individuelles vont former un socle de mémoire collective, rappeler au vieil homme son passé, ses moments douloureux comme d'autres plus heureux. Par leur vécu et les informations dont elles disposent, ces mémoires successives permettent d'englober toute la période de la fin de la guerre à aujourd'hui et de se sentir au plus proche des personnages dans le contexte dans lequel ils ont vécu.

Août 61 est un roman exceptionnel pour chacun de ces points : la richesse de l'écriture de Sarah Cohen-Scali, la précision du parcours historique même si elle s'autorise quelques ajustements pour son récit, la force de caractère de ses personnages et les émotions qui en résultent, la puissance des thèmes qu'elle aborde.

A lire aussi, d'autres chroniques du roman Août 61 de Sarah COHEN-SCALI :
- Août 61 sur le blog Les Fanas de livres
- Août 61 sur le blog Les Lectures d'Hatchi
- Août 61 sur le site de l'Académie de Poitiers
- Août 61 sur le site ComJ
- Août 61 sur le blog Les Pages qui tournent.