Depuis toute petite, Rosa suit les traces de son père, artiste peintre déjà reconnu. A l'âge de quatorze ans, elle affirme sa volonté de devenir peintre animalière. Elle se rend fréquemment au musée du Louvre pour en découvrir toutes les œuvres, apprendre à les copier, affermir son style. Placée dans une école de couture par son père, elle fait tout pour en partir mais ne peut malgré tout suivre des études d'art réservées aux garçons. Qu'à cela ne tienne, son père, Raimond Bonheur, sera son professeur. Sa rencontre avec Nathalie Micas, une jeune fille à la santé fragile, est déterminante. Elle sera un soutien indéfectible à l'artiste en devenir.
Citations "Je voudrais étudier aux Beaux-Arts.
Pure provocation : il n'y avait pas de filles aux Beaux-Arts, la chose était interdite. Son savoir-faire, ses connaissances, elle ne pouvait les obtenir qu'auprès de son père. Sauf qu'il était rarement à la maison. [...] Elle poursuivit :
- A l'Ecole des beaux-arts, les étudiants dessinent selon modèle. Ils travaillent avec des modèles vivants. [...]
- Auguste et Isidore, eux, pourront s'y inscrire sans problème, poursuivit sa fille. Pourquoi pas moi, hein ? Ou Nathalie ? Elle est si douée pour les perspectives... et puis, elle s'intéresse énormément à la fabrication des couleurs.
Son père soupira.
- Je sais. Je sais, c'est injuste. Mais c'est ainsi.
Partie sur sa lancée, Rosa évoqua une autre piste :
- Et si j'allais à l'Ecole vétérinaire ?
De son mouchoir, Raimond Bonheur s'épongea le front. Comment expliquer à sa fille qu'elle avait raison, mais que sa quête était vouée à l'échec ? Il ne pouvait pas changer les lois françaises.
- Rosalie, ma chérie... Les filles n'ont pas le droit de passer le baccalauréat et toi, tu voudrais qu'on t'accepte à l'université ! Vétérinaire ? Et quoi encore ? Ministre, peut-être ?" p. 128-129
L'avis d'Histoire d'en lire
Rosa Bonheur, l'audacieuse est à la fois une biographie romancée de la peintre animalière Rosa Bonheur et un petit cours d'histoire de l'art du XIXe siècle.
Une famille d'artistes
Le roman est, comme son titre l'indique, centré sur le personnage de Rosa mais c'est bien toute sa famille, père, frères et sœur, qui ont la passion et la fibre artistiques, essentiellement en peinture et sculpture. Mais avoir le talent ne suffit pas toujours. Rosa devra faire preuve de beaucoup d'audace et de courage pour se faire un nom dans le milieu parce qu'elle est une jeune femme. Et c'est ainsi que Natacha Henry reprécise plusieurs fois dans le récit que le milieu artistique est encore largement fermé aux femmes, à commencer par les études d'art ! L'autrice en fait même le fil rouge du roman parce que la jeune peintre doit beaucoup à sa persévérance.
Une rencontre déterminante
De la persévérance, beaucoup de persévérance mais aussi un talent nourri par un duo, celui formé avec Nathalie Micas. Rosa rencontre Nathalie alors que les parents de cette dernière engage son père pour faire le portrait de la jeune fille malade et dont ils craignent à tout instant pour sa vie. Rosa et Nathalie tissent une amitié en apparence solide, peut-être même plus. Nathalie succombe elle aussi au plaisir de l'art. C'est une relation très particulière qui s'installe entre les deux jeunes filles et que le roman développe, montrant leur complémentarité mais aussi quelques ambiguïtés.
Une histoire de l'art
Dernier point et non des moindres, Ce sont l'artiste et l'œuvre de Rosa Bonheur que nous fait découvrir ce livre. Une peintre animalière du XIXe siècle que je ne connaissais pas du tout. Son parcours est développé mais aussi et surtout sa technique, ses méthodes de travail, son apprentissage auprès de son père, ses études personnelles des cadavres d'animaux morts. Rosa ne se fixe aucune limite et va jusqu'à fréquenter des lieux qui sont pourtant bien éloignés du milieu artistique mais qui lui apprendront beaucoup sur la nature animale. Alors qu'à cette époque, la peinture historique est largement valorisée et attendue, Rosa choisit la voie de la peinture animalière, bien moins en vogue. Il lui faudra même affronter l'autorité paternelle prise en étau entre la volonté de laisser sa fille aller au bout de ses envies et le carcan dans lequel elle est enfermée à cause de la condition des femmes en ce XIXe siècle.
Rosa Bonheur, l'audacieuse est un roman qui nous permet d'apprendre beaucoup sur l'art de ce XIXe siècle, sur cette jeune femme qu'est Rosa Bonheur, son talent, sa lutte pour que les femmes puissent être reconnues dans ce milieu. De fait, le livre est très descriptif mais passé le premier tiers, on est pris dans cette destinée si particulière et sa force de caractère. Même si Internet est là pour visionner ses œuvres, il manque un petit cahier en couleurs avec des reproductions de ses tableaux cités.