Juin 1888, dans le Nord de la France. Léon Sabourin va sur ses douze ans et rêve de travailler pour Gustave Eiffel, l'homme qui a entrepris la construction d'un tour au cœur de Paris pour l'Exposition universelle. Léon en suit les étapes à chaque journal que lui confie son instituteur, monsieur Lafuté. Léon est doué et il s'apprête à passer le certificat d'études qui pourrait lui ouvrir les portes de l'apprentissage. Sauf que son père n'est pas de cet avis. La famille Sabourin vit de la mine depuis des générations et il en sera de même pour Léon. Leur modeste condition les empêche de se priver d'un second salaire. S'il a son diplôme, Léon pourrait devenir chef porion ! Le garçon et son instituteur ne savent plus que faire pour tenter d'infléchir le père. Jusqu'au jour où ce dernier menace son fils de vendre Cachou, sa jument, sa seule amie pour travailler à la mine à sa place...
Citations "- Votre fils est vraiment doué, madame.
L'instituteur fait une courte pause et dévisage la femme. Il sent que son avis est moins tranché que celui de son mari. Peut-être devrait-il la convaincre elle, pour qu'à son tour elle essaie de convaincre son époux...
[...]
- Mon mari est certain qu'il pourra devenir porion, répond-elle, méfiante.
- Certes, certes, mais que faites-vous de ses rêves ?
Elle hausse les épaules, fataliste.
- Les rêves n'ont jamais nourri leur homme, rétorque-t-elle.
- Ceux-là pourraient. Si Léon travaille dans les ateliers de monsieur Eiffel et s'il travaille bien, d'ici à quelques années, il rapportera bien plus à la maison que ce qu'il pourrait gagner en étant à la mine.
[...]
- Et les sous ? Qui est-ce qui nous apportera les sous pendant tout ce temps-là ? [...] Vous savez, je ne demande que cela, que mes enfants ne soient pas obligés de descendre à la mine. Quand je vois les hommes qui rentrent chaque jour épuisés et noirs de charbon, je me dis que ce n'est pas une vie. Et mon beau-père qui est à mort à cinquante-quatre ans d'avoir trop respiré la poussière de charbon... Non vraiment, j'aimerais une autre vie pour nos enfants. Mais qu'y pouvons-nous ?" p. 41 à 43.
L'avis d'Histoire d'en lire
Fin XIXe siècle, au cœur de la révolution industrielle. C'est le contexte historique qu'explore Sophie de Mullenheim dans le roman Léon et Gustave au cœur de la mine.
Les mines de charbon du Nord
Au XIXe siècle, une grande partie du Nord de la France vit des mines de charbon. C'est là que se déroule l'histoire de Léon et Gustave au cœur de la mine. Les familles habitent dans des corons, des quartiers d'habitation où toutes les maisons sont identiques et installées à proximité des mines. Les journées sont longues et pénibles. Tous les membres de la famille travaillent dans les mines, enfants compris dès l'âge de 12 ans. Sophie de Mullenheim décrit cet environnement, typique de la révolution industrielle.
Et le personnage central de Léon est très révélateur. Comme toute famille des corons, les Labourin travaillent à la mine. La mère s'occupe des enfants et tente de faire vivre tout le monde avec le maigre revenu du père. Malgré ses très bons résultats scolaires et ses rêves, Léon semble "condamné" à suivre les traces de son père.
L'instituteur a lui aussi un rôle très important puisqu'il tente, tout au long du roman, d'infléchir l'opinion du père. Ce récit nous montre clairement la condition sociale de toutes ces familles dépendantes de la mine, la dureté de ce travail qui concerne les enfants dès 12 ans et de l'absence totale d'espoir.
La tour Eiffel
Dès le début du roman, il est question d'une tour en construction en plein Paris à l'occasion de l'Exposition universelle qui doit se tenir en 1889. Le projet de Gustave Eiffel a été retenu, bien que décrié par de nombreux personnes.
Contrairement à ce qu'on aurait pu croire, Sophie de Mullenheim ne nous invite pas à suivre l'avancée du chantier. Il en est question, à travers le journal que lit Léon, grâce à son instituteur. Le garçon s'est tout de suite pris de passion pour cette entreprise fabuleuse.
Petit à petit, c'est l'ingénieur lui-même qui fait des apparitions dans le récit et l'autrice tisse un lien entre l'homme et le milieu de la mine, grâce à un journaliste qui adopte un angle d'approche original. Les Parisiens suivent avec attention l'avancée du chantier, quand la province s'en désintéresse totalement.
Une histoire d'amitié
Roman historique, Léon et Gustave au cœur de la mine est aussi un roman d'amitié.
A la mine, Léon fait la connaissance de Marie, à peine plus âgée que lui. Marie déborde de gaieté et d'optimisme, malgré les conditions de travail extrêmement pénibles, qui plus est pour des enfants. Elle est le rayon de soleil de Léon et son ange gardien dans ses moments de doute terrible que le garçon doit affronter.
Léon peut aussi compter sur l'amitié sincère de sa jument Cachou, qui lui appartient.
Léon et Gustave au cœur de la mine est un roman bien construit, avec des rebondissements réguliers. L'écriture au présent facilite l'immersion du lecteur à cette époque. J'ai été touchée par l'histoire de Léon, de sa famille et le soutien indéfectible de ses deux amies, la jument Cachou et Marie.